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présenter presque tous les soirs pendant le cours de cette cruelle guerre, car par sa position Delft était admirablement choisi pour servir de centre de nouvelles, et les courriers devaient y arriver plusieurs fois par jour des grandes villes du nord et du sud avec une célérité à laquelle nos chemins de fer n’ajouteraient que peu de chose. En allant à franc étrier, un cavalier pouvait, en moins d’une heure, venir de Rotterdam avec les nouvelles de Flandre; en quatre heures, cinq heures au plus, il pouvait venir d’Amsterdam, apportant les nouvelles du nord et de la Frise. Delft fut le théâtre de longues heures de fièvre et d’attente, et ces heures, le voyageur les ressuscite sans peine quand il visite cette ville.

Cet éclat n’a duré qu’un moment, cette importance fut toute passagère, et, une fois la guerre terminée, Delft, cessant d’être le séjour de l’état-major de l’insurrection et son bureau central de nouvelles, passa rapidement de cette existence agitée à la paix profonde qui l’enveloppe aujourd’hui. Les Hollandais, ingrats pour cette ville, prétendent qu’on y meurt d’ennui. Elle est pourtant bien jolie avec sa grande place enfermée comme une île entre ses canaux, la belle rangée de demeures au caractère aristocratique qui part du Prinzenhof, et les riantes maisons en brique rouge vif de ses extrémités, particulièrement de la route qui mène à La Haye. Telle elle était vingt ans après la guerre, telle elle est encore aujourd’hui. On la reconnaît sans peine dans l’admirable petit tableau qu’un peintre à peu près inconnu parmi nous lui a consacré au XVIIe siècle, et qu’on peut voir au musée de La Haye : voici bien le canal qui va de Delft à La Haye, c’est bien toujours ainsi que les maisons baignent leur pied dans l’eau immobile, c’est bien toujours ainsi que la lumière frappe sur les murailles rouges.

Cette Vue de Delft, peinte par van der Meer, qui était lui-même né dans cette ville, n’a pas été remarquée comme elle le mérite, et