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core revenue au même point qu’en 1846. Le commissaire-général avoue que la production du colza, naguère considérable dans plusieurs départemens, a diminué dans ces dernières années. On expliquerait la réduction par ce fait, que les cultivateurs, ayant trop souvent renouvelé leurs plantations de colza, auraient épuisé le sol; la concurrence faite aux huiles de graines par les huiles minérales aurait contribué aussi à rendre cette culture moins rémunératrice et par suite à la faire abandonner. La production du chanvre et du lin n’a pas changé. La betterave à sucre a pris de l’extension, mais elle ne couvre en tout qu’un petit nombre d’hectares; c’est beaucoup pour les départemens qui la produisent, ce n’est rien pour la France entière. La catastrophe de la soie fait perdre aux producteurs 50 millions par an. On fait grand bruit de l’extension donnée à la culture de la vigne; mais le progrès actuel succède à la crise de l’oïdium, qui avait fait arracher beaucoup de vignes, et somme toute le bénéfice ne doit pas être bien grand.

Si la production agricole s’accroît peu dans l’ensemble, l’accroissement se répartit très inégalement entre les diverses parties de la France. On peut diviser le territoire national en deux moitiés, l’une où la production agricole n’a cessé de monter, même depuis dix ans, l’autre où elle reste stationnaire. La moitié favorisée comprend le nord et l’ouest, la seconde se compose du centre et du midi. La ligne de démarcation est parfaitement tracée par le mouvement de la population : dans le nord, la population s’accroît; dans le midi, elle décline. Aussi les plaintes les plus vives sont-elles venues des départemens méridionaux. Les départemens du nord voient les choses plus en beau, et ils ont raison. Ils sont les premiers à profiter des nouveaux débouchés qu’ouvrent d’une part les progrès de Paris et de l’autre les facilités données à l’exportation. La consommation de Paris a doublé depuis vingt ans. Dans ce même laps de temps, l’exportation du beurre a quintuplé. La Normandie surtout a beaucoup gagné ; mais cette manne ne tombe que sur un petit nombre de départemens. Il n’est pas impossible d’ailleurs que la nouvelle demande de beurre ait exercé une fâcheuse influence sur le recrutement du bétail en absorbant une grande quantité du lait qui servait à l’alimentation des veaux. Le bénéfice sur le lait ne serait alors obtenu qu’aux dépens de la viande.

Dans tous les cas, on ne saurait se dissimuler que notre agriculture ne produit pas ce qu’elle pourrait et devrait produire. Avec le plus beau territoire de l’Europe, nous n’obtenons du sol, à surface égale, que la moitié de ce qu’obtiennent les Anglais, les Belges, la plupart des Allemands. Non-seulement notre population ne s’accroît plus, mais nous avons besoin, pour la nourrir et la vêtir, de recourir