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est surtout de la compétence des légistes; le gouvernement s’en occupe, et le conseil d’état est saisi de l’examen d’un projet de loi. A cet ordre d’idées se rattache l’établissement de magasins-généraux où les cultivateurs pourraient déposer leurs produits en empruntant sur ce gage. De louables efforts se font pour résoudre ce problème; l’invention de nouveaux moyens de conservation pour les blés est un des principaux élémens du succès, et il paraît bien que ces procédés sont découverts.


II.

Le chapitre consacré à la main-d’œuvre contient la partie la plus importante et la plus délicate de l’enquête. M. Monny de Mornay commence par reconnaître franchement les plaintes, a Déjà, dit-il, longtemps avant l’enquête, s’était manifesté un fait qu’elle a confirmé de la manière la plus positive, c’est qu’il devient de plus en plus difficile de trouver pour le travail de la terre des bras en quantité suffisante, c’est que le prix de la main-d’œuvre a dû subir par suite une importante augmentation, c’est que les ouvriers sont devenus de plus en plus exigeans, non-seulement pour leurs salaires, mais aussi pour les autres conditions de louage de leurs services dans les exploitations rurales, enfin que leurs rapports avec ceux qui les emploient sont en général plus difficiles que par le passé. Les principales causes auxquelles on attribue l’insuffisance des travailleurs agricoles sont le développement donné à une culture plus intelligente, la division de plus en plus grande de la propriété, la diminution du nombre des enfans dans les familles, l’extension des grands travaux publics et les exigences du service militaire, l’émigration des populations rurales vers les villes. » Avant tout, il importe ici de rappeler le fait général que le rapport ne met pas assez en lumière, la diminution positive de la population rurale. On s’est toujours plaint du manque d’ouvriers ruraux; jusqu’à ces derniers temps, les plaintes n’étaient pas fondées, puisque la population rurale s’accroissait. Aujourd’hui elle a diminué d’un dixième depuis vingt ans, et comme le vide s’est fait dans la population virile, la somme du travail a baissé au moins d’un quart.

Ce fait capital suffit pour écarter ou du moins pour atténuer l’action des deux premières causes indiquées par le commissaire-général. Il se peut que sur quelques points la demande de bras s’accroisse réellement, et qu’en même temps la division de la propriété réduise l’offre du travail salarié; la hausse des salaires devient alors naturelle et heureuse, puisqu’elle indique un surcroît de richesse. Ce qu’il faut considérer, c’est l’ensemble. Pour expliquer la diminution de la population rurale, on est forcé d’en venir aux deux