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— En vérité ? dit l’amtshauptmann avec une satisfaction et une irréflexion manifestes. Ton frère a fait cela, ma petite ?

— C’est lui le premier qui a eu l’idée de s’échapper par la petite porte verte, lui qui l’a montrée aux autres en les engageant à décamper.

— Voilà ce que j’appelle une sottise, reprit le magistrat, tout à coup rendu au sentiment des devoirs de sa charge. Elle lui coûtera plus cher que cela ne vaut ; mais les Besserdich ont tous la tête à l’envers… Neiting, vous me ferez songer en temps et lieu à ce mauvais sujet de frère. Maintenant, Hanchen, où est Fritz Sahlmann ?

— Je vous assure, notre maître, que je n’en sais rien. La dernière fois que je l’ai vu, il causait avec mamzelle en haut-allemand.

— Fritz Sahlmalnn en haut-allemand ! Que diable lui pouvait-il dire ?

— Il lui disait, je crois : Les secours ne se feront pas attendre.

L’amtshauptmann avait grand’peine à se démêler parmi ces incidens obscurs et confus. — Le rathsherr, dit-il enfin, aura faussé la cervelle de cette pauvre Westphalen et l’aura poussée à quelque résolution insensée. Je parie qu’elle se cache, et il faut qu’on la retrouve. Son témoignage est indispensable à la justification de l’horloger et du meunier, tous deux en sérieux péril. Enfin, Hanchen, puisque vous ne savez où est Fritz Sahlmann, vous pouvez vous retirer.

Hanchen, tournant sur elle-même, allait quitter la chambre, lorsqu’ ayant levé les yeux (qu’elle avait fort bons) elle vit par la fenêtre quelque chose qui l’arrêta court. — Notre maître, dit-elle alors, je sais où est Fritz.

— Vous mentiez donc, petite friponne ?

— Non, herr amtshauptmann, mais je le vois.

— Où donc cela ?

— Là, dehors, sur le vieux pommier, au coin du mur des cuisines.

L’amtshauptmann étonné prit ses lunettes et regarda. — Vous dites, ma foi, vrai. Voilà pour le coup de quoi surprendre, en hiver sur un pommier ! Dans la saison des pommes, je ne dis pas, mais en hiver ! Vous qui avez de bons yeux, voyez-vous ce qu’il y peut faire ?

— Il tient à la main une longue perche, mais j’ignore pour quel usage. Il la dirige pourtant vers le grenier où l’on fume nos conserves.

— Neiting, devinez-vous à quoi ce drôle prétend aboutir ?

— Je l’ignore, Weber ; mais il nous manquerait des saucisses que je n’en serais pas autrement étonnée.

— Vraiment ! Alors ce garçon a découvert un secret merveilleux, celui de faire produire au même arbre des pommes en automne et