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traire et à convertir en monnaie, et prête aussi davantage à la fraude en raison de la densité, qui est moins grande. On a pu remarquer qu’il y a toujours eu plus de pièces fausses en argent qu’en or ; mais nous ne voulons pas insister sur ces points: ils n’ont qu’une importance secondaire à côté des autres considérations qui tendent à donner aujourd’hui à l’or une fixité de valeur que ne possède pas l’argent, et qu’il possédera peut-être de moins en moins. En 1800, la production de l’or était de 82 millions, celle de l’argent de 200 ; en 1848, le premier métal arrivait à 247 millions et le second à 215 1/2, c’est-à-dire que la production de l’or avait triplé, tandis que celle de l’argent ne s’était accrue que de 7 1/2 pour 100. Néanmoins pendant cette première moitié du siècle l’or n’a pas cessé de faire prime sur l’argent, et à cause de cette prime il n’a pu entrer dans la circulation active des pays qui avaient le double étalon. Il était déjà très recherché ; mais ce qui est plus significatif encore, c’est ce qui s’est passé depuis. On estime que pendant les neuf ou dix premières années qui ont suivi l’exploitation des mines de la Californie et de l’Australie il a été extrait pour 8 milliards environ de métaux précieux, dont les trois quarts en or, et cependant dans l’intervalle la prime de l’argent sur l’or ne s’est guère élevée au-delà de 2 pour 100, et encore a-t-il fallu pour cela que la Hollande changeât tout à coup de système monétaire, et que l’argent trouvât un débouché immense dans l’extrême Orient, en Chine et au Japon. La cause qui assure maintenant la fixité relative de l’or est la même qui, après l’exploitation des fameuses mines du Pérou et du Mexique, a empêché l’autre métal de s’avilir en raison du poids qui en avait été fourni. La production de l’argent, pendant trois siècles, avons-nous dit, a été comme poids quarante-sept fois plus forte que celle de l’or, et cependant le rapport de valeur entre les deux métaux, qui était de 11 à 12 contre 1 en 1492, n’est descendu qu’à 15 1/2, où il est encore à peu près aujourd’hui. Il en a été ainsi parce que le métal d’argent était alors presque le seul en usage, celui qui convenait le mieux aux besoins de l’époque. Étant plus employé que son concurrent, il était retenu par cela même sur la pente de la dépréciation.

Les choses n’ont commencé à changer qu’à partir du moment où les Anglais, qui avaient répudié définitivement l’étalon d’argent en 1816, reprirent leurs paiemens en espèces vers 1819 ; ils monnayèrent tout à coup pour près d’un milliard d’or, ce qui procura bientôt à ce métal un débouché considérable ; ce débouché ne fit plus que s’accroître avec le progrès de la richesse publique, et aujourd’hui les rôles sont renversés à ce point entre les deux