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loin encore et dire que, même avec l’étalon d’argent unique, l’argument n’a pas la valeur qu’on lui suppose. Si les encaisses des banques se vident à de certains momens, c’est parce qu’on est débiteur à l’étranger, qu’on a le change contre soi, et qu’il faut faire des remises en numéraire, ou encore parce qu’à l’intérieur on a besoin de plus de monnaie par suite du développement des affaires et de la cherté de quelques denrées, comme le blé par exemple. En serait-il autrement, si les encaisses étaient d’argent? Pourrait-on se défendre davantage contre les difficultés, éviter de faire des remises au dehors, répandre moins de numéraire à l’intérieur? En définitive, quand on est débiteur, il faut payer, et nous n’en serions pas plus dispensés avec une monnaie qu’avec l’autre. Si nous n’avons que celle d’argent, les frais de transport seront plus considérables, voilà tout; mais, lorsque nous aurons des remises à faire au dehors, il nous faudra toujours les aller prendre dans les grands établissemens financiers qui les possèdent, et les encaisses se videront aussi bien avec l’argent qu’avec l’or. De même pour l’intérieur; ce n’est pas la nature du métal qui peut empêcher un pays de rechercher le numéraire quand il en manque. Il n’y aurait qu’un cas où il en serait autrement : c’est si, avec le métal d’argent pour monnaie, les relations au dehors et les affaires au dedans se trouvaient moins actives, ce qui en effet pourrait bien arriver. Or, quand on appuie sur le passé cette théorie de la plus grande facilité des encaisses et de la moindre fréquence des crises avec le métal d’argent, on oublie de tenir compte du développement des relations commerciales qui a eu lieu depuis. Ces relations étant moins étendues autrefois, il était naturel qu’on eût moins besoin de numéraire, qu’on fût moins exposé aux crises; mais aussi la richesse publique faisait moins de progrès. Est-ce là l’idéal auquel on se propose de revenir? Veut-on, pour éviter les grandes fluctuations des encaisses et rendre les crises moins fréquentes, ralentir le mouvement des affaires?

Mais, continue-t-on, l’argent étant une monnaie plus lourde, plus embarrassante que l’or, on le laissera davantage dans les banques, et on fera un plus grand usage du crédit, en particulier de la monnaie fiduciaire. L’inconvénient alors est d’une autre espèce. Nous n’avons pas besoin de répéter ce qui a été dit maintes fois et ce qui est accepté par tous les esprits sérieux, que la monnaie doit être la base de toutes les opérations commerciales, et que, si on peut recourir au crédit pour donner à celles-ci plus d’extension et de rapidité, il ne faut jamais perdre de vue qu’elles doivent toujours être réalisables en numéraire, que c’est pour elles une condition sine qua non de vitalité. Si on ne tient pas compte de cela, si