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sur lequel une entente était possible était celui des lois de 1848. Il disait en même temps à ses compatriotes qu’ils arriveraient plus tôt au but par des négociations conduites avec fermeté que par une rupture immédiate et violente.

En décembre, accompagné de son ami Eötvös, il eut à Vienne une longue conférence particulière avec l’empereur. Il en emporta sans doute la conviction qu’une entente était possible, car à son retour en Hongrie il changea complètement d’attitude, et après douze ans d’abstention absolue il rentra dans la vie publique avec décision et activité. Le moment d’agir lui semblait venu. On s’occupait de la réorganisation judiciaire des comitats et de la réforme de la législation hongroise. Il intervint dans cette élaboration avec sa modération et sa fermeté habituelles. D’une part, il n’admit point les exigences des radicaux, mais d’autre part il repoussa énergiquement le droit pénal et la législation sur la presse de l’Autriche comme contraire aux lois hongroises et au régime constitutionnel. La ville de Pesth répondit par une adresse au rescrit royal du 16 janvier 1861. Ce fut encore Deák qui la rédigea dans l’esprit d’opposition légale qui était le sien.

Les élections pour la diète eurent lieu conformément à la loi électorale de 1848. C’était déjà une première concession. Deák fut élu le 11 mars 1861 par la ville de Pesth. Dès les premiers jours, on put prévoir le rôle prédominant qu’il allait jouer. La méfiance pour tout ce qui émanait de Vienne, l’hostilité contre le gouvernement, étaient si grandes qu’un conflit s’éleva avant même l’ouverture de la diète. Une loi de 1848 avait décidé qu’à l’avenir cette assemblée se réunirait à Pesth. Le ministère, probablement pour marquer la prééminence de la couronne, crut devoir convoquer la diète à Bude, où se trouve le palais du souverain. Les députés se réunirent pour délibérer sur le parti à prendre. Les modérés proposèrent de se rendre d’abord à la séance solennelle d’ouverture à Bude, puis de se transporter à Pesth pour y tenir les séances ordinaires. Cette transaction ne satisfit point les députés de la gauche. Dès l’abord, ils voulaient contraindre le gouvernement à respecter l’œuvre de 1848 tout entière. Sur ce point, ils n’admettaient aucune concession, même pour une simple formalité. Ils proposaient de déclarer traître à la patrie tout député qui assisterait à la séance d’ouverture à Bude. Deák se leva et déclara que, quoique dévoué aux lois de 1848 et peu amateur des cérémonies officielles, il se rendrait à Bude, dût-il être tout seul. L’opposition avancée avait la majorité; néanmoins ce fut la proposition du parti modéré qui fut suivie. Deák avait eu le courage de dire et la gauche le bon sens de faire ce qui était raisonnable.