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se taisait; mais qu’il se lève, qu’il parle, et toute la Hongrie comme un seul homme obéira à sa voix. — L’appréciation dont nous venons de reproduire le sens explique pourquoi les Hongrois n’ont profité ni de la guerre d’Italie en 1855, ni de la guerre d’Allemagne en 1866, pour secouer un joug détesté. C’est que « le sage de la patrie, » qui ne voulait pas l’anéantissement de l’Autriche, ne leur en avait pas donné le signal. Bientôt son rôle allait devenir plus actif.

Le diplôme impérial du 20 octobre 1860 avait établi, sur le papier du moins, le système constitutionnel, car l’empereur François-Joseph y déclarait qu’à l’avenir aucune loi ne serait édictée, changée ou suspendue sans la coopération de la diète. Celle-ci devait avoir dans ses attributions les objets d’intérêt commun, comme la diplomatie, les finances, l’armée; le reste était réservé aux délibérations des assemblées provinciales. Le diplôme fut d’abord favorablement accueilli en Hongrie. Cependant se déciderait-elle à envoyer des députés au reichsrath, reconnaissant ainsi à cette assemblée centrale le droit de disposer de ses trésors et de ses soldats? consentirait-elle à n’être plus qu’une province de l’empire au lieu de continuer à être le royaume indépendant de saint Etienne? Là était la difficulté. Deák espéra qu’on pourrait arriver à une transaction acceptable par les deux partis, pourvu qu’on reconnût à la diète hongroise le droit de discuter les conditions de l’accord. Sur ce point-là, il n’admettait pas de transaction. à reprenait l’ancienne et fière devise des Magyars : nihil de nobis, sine nobis, A Vienne, on était loin de marcher dans cette voie. Les Allemands, partisans d’une centralisation plus forte, avaient reproché au diplôme d’octobre de trop concéder au principe fédéraliste. La patente du 26 février 1861 vint étendre la compétence du pouvoir central : elle décidait que la Hongrie serait représentée au reichsrath par 85 députés, et elle accordait une représentation spéciale à la Transylvanie et à la Croatie, ce qui semblait admettre que ces partes adnexœ du royaume de saint Etienne n’auraient pas à envoyer de députés à Pesth. C’était porter atteinte à son intégrité territoriale.

Quelle fut l’attitude de Deák en présence de ces importans changemens? Quand les anciens conservateurs hongrois eurent obtenu le diplôme d’octobre, le chancelier baron Vay, qui était chargé de le promulguer en Hongrie, crut devoir s’adresser à Deák. Il lui demanda son concours, et le pria tout au moins de ne pas commencer la lutte sur le principe même de la constitution octroyée. Deák refusa de prendre des engagemens. Toutefois il ne voulut se mêler à aucune agitation hostile. Seulement, quand les journaux de Vienne le sommèrent de se prononcer, il déclara que, suivant lui, le seul terrain