Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 78.djvu/245

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

peu ironiquement par les journaux à établir la république dans ses terres d’Albaïda ; on le trouve un peu jeune avec ses soixante ans passés.

Chose plus grave, les chefs de la révolution eux-mêmes se sont prononcés l’un après l’autre pour une royauté constitutionnelle, et M. Olozaga, qui, après avoir résisté pendant quelques jours aux plus pressans appels, a fini par se rendre en Espagne, M. Olozaga, le plus implacable ennemi de la dynastie qui vient de tomber, a manifesté, lui aussi, des opinions favorables à la monarchie dans les discours qu’il a semés sur son chemin, à Saragosse, à Guadalajara, à Madrid. M. Olozaga n’a qu’une faiblesse, c’est de trop laisser voir le ressentiment satisfait d’une vieille injure personnelle qu’il n’a pu s’empêcher de rappeler. Son opinion n’est pas moins celle d’un homme considérable, et assurément, si quelque chose peut prouver à quel point l’Espagne est encore imbue de l’idée traditionnelle de la royauté, c’est le peu de disposition qu’elle montre à se laisser séduire par une autre forme de gouvernement lorsqu’il lui serait si facile de céder à la tentation ; nous dirons plus, c’est en quelque sorte le train monarchique qui se conserve dans un état républicain de fait. N’a-t-on pas déjà créé des ducs ? On l’a dit du moins. La monarchie garde donc toutes les chances au-delà des Pyrénées ; mais alors où est le roi qui sera appelé à régner sur l’Espagne ?

Ici l’obscurité recommence, et la question en vérité ne semble point avoir fait un pas depuis un mois, si ce n’est que le chef du parti carliste, le jeune infant don Carlos, vient de notifier à tous les souverains étrangers l’abdication de son père, qui le fait roi in partibus — en attendant que les Espagnols lui donnent une royauté. Or les Espagnols n’ont nullement l’air d’être disposés à se tourner vers l’infant don Carlos, si libéral qu’on le représente à leurs yeux, et, d’après toutes les apparences, il faudrait que l’Espagne fût lancée dans de singulières aventures de guerre civile, qu’elle fût étrangement éprouvée et fatiguée, pour rétrograder jusque-là. Parmi toutes les autres candidatures princières, les unes ont déjà disparu, comme celle du prince Alfred d’Angleterre, les autres ne se dessinent pas distinctement. Le roi dom Fernando, père du roi de Portugal, serait toujours probablement le candidat préféré de quelques-uns des personnages tout-puissans à Madrid, de M. Olozaga en particulier ; seulement le roi dom Fernando, qui aime la vie facile et les arts, semble peu envieux d’une couronne ; s’il se laissait tenter, il trouverait peut-être l’opposition de son fils, le roi dom Luiz, et si l’un et l’autre se laissaient entraîner, ce seraient peut-être les Portugais qui verraient avec ombrage une combinaison apparaissant à leurs yeux comme un acheminement vers cette union ibérique pour laquelle ils professent un médiocre enthousiasme. Reste le duc de Montpensier, dont le nom ne laisse pas d’être toujours prononcé, et il serait certainement bizarre que ce fût la révolution de 1868 qui vînt justifier les pressentimens de l’ancien ambassa-