Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 78.djvu/235

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 octobre 1868.

Il y a un singulier problème qui devient maintenant notre affaire de tous les jours, dont nous traînons avec ennui l’insipide fardeau, et qui finirait par être presque plaisant, s’il ne s’agissait pas de tout ce que nous sommes et de tout ce que nous serons demain, si nous étions les simples spectateurs d’une destinée qui ne serait pas la nôtre. Comment se fait-il que le temps où on multiplie le plus les protestations pacifiques soit justement celui où on croit le moins à la paix, où l’opinion, saisie de crédulités et d’effaremens étranges, reste à la merci de tous les incidens grands ou petits qui se succèdent dans la politique ? Et comment se fait-il aussi d’un autre côté que le temps où l’on parle le plus de stabilité dans le gouvernement, dans les institutions, de fixité dans la direction des affaires, soit précisément celui où l’on semble le plus disposé à mettre en doute cette fixité, à chercher partout les signes de crises intimes, où l’on passe sa vie à attendre chaque matin la révélation d’une politique nouvelle, quelque coup de théâtre qui va tout changer ? C’est notre déplorable et agaçante histoire de tous les jours. C’est un bulletin aussi invariable que celui de ces deux généraux espagnols du temps de la guerre civile dont on disait tous les matins : « Alaix poursuit Gomez ! » Alaix n’atteignit jamais Gomez, — pas plus que l’homme n’atteint le bonheur, ajoutait un mordant humoriste. Nous, nous poursuivons la paix et la liberté, nous saisissons des ombres et nous recommençons. À vrai dire, on aurait déjà gagné beaucoup, si on finissait par se donner un peu de fermeté et de tenue au milieu de cette crise universelle que nous traversons, si on en venait à ne pas prendre feu sur tout, et si on se disait qu’en définitive c’est la loi des situations difficiles de flotter sans cesse dans ces irritantes oscillations, entre tous les bruits contradictoires. Nous devrions bien pourtant y être accoutumés ; nous en avons vu