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Les Hollandais, qui avaient toujours des forces importantes dans l’Océan indien, résolurent d’en profiter pour détruire les colonies rivales qui leur faisaient ombrage. Au mois d’août 1693, une flotte de 19 vaisseaux montée par 1,500 soldats et 2,000 matelots parut sur la rade. L’amiral hollandais avait acquis à prix d’argent le concours du Grand-Mogol, dont les troupes vinrent bloquer la ville du côté de la terre. Martin n’était pas en état de résister à tant d’adversaires à la fois ; après douze jours de siège, il dut capituler. L’ennemi prit possession de Pondichéry, et, ayant apprécié les avantages de cette situation, il en améliora les fortifications, tandis que Martin et ses compagnons étaient reconduits en Europe avec les honneurs de la guerre. Quoique vaincu, il fut bien reçu par le ministre et par les directeurs de la compagnie. On avait confiance en ses talens d’administrateur, en son aptitude à coloniser. Aussi, lorsque la paix de Ryswick rendit Pondichéry à la France, il reprit le commandement de la place. Une escadre chargée de troupes, de munitions et d’approvisionnemens de toute sorte l’accompagna sur la côte de Coromandel. Après avoir reconnu l’utilité de cette colonie, on voulait l’armer de telle façon qu’elle fût dorénavant à l’abri d’un coup de main.

Toutefois les affaires de la compagnie, mal dirigées sans doute en Europe, étaient dans une situation précaire ; quinze années après son début, cette association avait perdu la moitié de son capital, et trente ans plus tard elle était à peu près ruinée. Si quelques-uns de ses comptoirs prospéraient, d’autres, et c’étaient les plus importans, n’étaient d’aucun profit. Elle avait mis d’abord à Madagascar le principal de ses établissemens, puis, lorsque les colons abandonnèrent cette île, le centre de ses opérations fut transféré à Surate ; mais le commerce y était si languissant que cette place fut abandonnée à son tour au commencement du XVIIIe siècle. Pondichéry devint alors la capitale des possessions françaises dans l’Inde, et Martin en fut nommé directeur-général par lettres patentes de Louis XIV en date de février 1701. C’était un honneur bien acquis et bien mérité. On lui donnait par là autorité sur divers autres comptoirs plus ou moins éloignés : la factorerie de Masulipatam, fondée par le Persan Marcara, était un des meilleurs de ces postes secondaires. Au Bengale, les Français s’étaient montrés dans l’Hougly vers 1676. L’empereur Aureng-Zeb leur avait concédé le village de Chandernagor, ainsi que deux ou trois autres points, Balasore, Kassimbazar, où il y avait un peu de trafic ; mais sous la ferme et habile direction de Martin Pondichéry conservait la suprématie. Lorsque cet excellent administrateur mourut le 30 décembre 1706, il y avait 40,000 indigènes groupés autour de la ville qu’il avait fondée ; l’influence française était reconnue et aimée par les souverains du