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trop ambitieux, il revint en Europe et se produisit en France avec la réputation d’un homme habitué aux entreprises lointaines. On le nomma directeur-général du commerce français en Orient. Il partit avec une nouvelle expédition au commencement de 1667. En passant à Madagascar, il reconnut le mauvais état de la colonie qui y avait été fondée deux ans auparavant ; il ne voulut pas s’arrêter sur un terrain si défavorable, et se dirigea vers Surate, où il établit le premier comptoir que les Français aient eu dans l’Inde. Cette ville était déjà fréquentée par des navires hollandais et portugais. Caron y conduisit si bien les premières opérations commerciales que la compagnie lui conseilla d’étendre ses entreprises. La côte de Coromandel était alors le but de toutes les ambitions. Grâce aux progrès de la navigation, les navires d’Europe y allaient chercher les marchandises précieuses, dont les ports de Surate et de Cambaye avaient eu le monopole au temps reculé où le trafic des Indes se faisait par la Mer-Rouge. Le Coromandel possédait d’excellens ports qui servaient de débouchés aux fameux royaumes de Golconde et de Visapour. Il en partait de nombreux vaisseaux non-seulement pour l’Europe, mais aussi pour les îles aux épices, la Chine et le Japon. C’est là que les Français avaient hâte de s’établir.

Caron avait emmené un Persan, Marcara, homme d’un esprit insinuant, habitué par son origine et par des voyages antérieurs aux façons des monarques asiatiques. Marcara fut envoyé à la cour du roi de Golconde pour demander à ce souverain l’autorisation de créer un comptoir dans ses états, à Masulipatam. La négociation eut un plein succès : la compagnie obtint de pouvoir faire le commerce dans le royaume de Golconde sans être assujettie à aucun droit de douane à l’entrée ou à la sortie ; mais cet avantage ne parut pas suffisant au chef de l’expédition française. Caron ne cessait de représenter à Colbert l’absolue nécessité d’avoir quelque part dans ces parages des forteresses, des ports de relâche, des lieux de ravitaillement, où les vaisseaux de la compagnie fussent indépendans des indigènes. Les Hollandais occupaient ainsi Trincomalé, sur la côte orientale de Ceylan ; les Portugais s’étaient de même fortifiés à Saint-Thomé, sur la côte de Coromandel, et en avaient ensuite été chassés par les Hollandais. Les Français, renforcés par une escadre nouvellement arrivée d’Europe, s’emparèrent sans scrupule de ces deux établissemens. Ils furent incapables de se maintenir à Trincomalé, en sorte que d’une expédition fort coûteuse ils ne tirèrent qu’un assez mince résultat. Au reste Caron était, paraît-il, d’un caractère difficile. Il n’avait pu vivre en bon accord avec Marcara, dont les services avaient été très utiles à la compagnie au début de l’entreprise ; celui-ci était parti pour