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DIANE.

A bientôt.

HENRI.

Je vous y prends! Un soupir de satisfaction... Vous attendez quelqu’un?

DIANE, froidement.

Vous vous trompez. J’attends quelque chose.

HENRI.

Je crois que l’un ou l’autre se peut dire également dans l’affaire dont il s’agit. Que l’homme nous apporte la solution, ou que la solution nous...

DIANE.

Qu’est-ce à dire ?

HENRI.

Eh! pourquoi voulez-vous m’obliger à le dire? On revient de Touraine et non du Congo. On sait le train ordinaire des choses de la vie. Il y a d’un côté des familles austères, impitoyables pour les faiblesses les plus légitimes du cœur, qui persécutent une innocente veuve sous prétexte qu’elle aura donné à celui-ci un peu plus d’audiences que l’usage ne le comporte. On la somme de se mettre en règle avec les lois divines et humaines; ce n’est pourtant pas un chef-d’œuvre que ces lois-là. Dans cette extrémité, une femme de bien ne voit guère qu’un parti à prendre. Elle pousse le jeune homme au pied du mur, et lui dit : Si vous m’aimez, mon cher, prouvez-le-moi dans la quinzaine en mettant une couronne de comte partout où j’ai brodé jadis un tortil de baron...

DIANE.

Je ne vous comprends pas. Que pensez-vous? Qu’avez-vous entendu dire? Est-ce Anatole qui?...

HENRI, continuant.

Mais d’un autre côté Anatole, s’il vous plaît de l’appeler ainsi, est un jeune homme horriblement timide.

DIANE.

Lui?

HENRI.

Pas toujours. Il a eu son moment de décision ; mais la nature, l’éducation, les férules de l’abbé Pioche, une déplorable habitude d’obéir à papa, de céder à maman, de trembler devant les sourcils au pastel de sa vénérable tante,... en un mot pas de volonté, pas même le courage de dire au vieux marquis: « Mon cher père, j’ai vingt-cinq ans, et je me marie. » C’est votre faute aussi!

DIANE.

Ma faute à moi ! ma faute !