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HENRI.

Me prenez-vous pour un officier de marine? Je suis à Paris depuis trois jours, madame, et je n’ai pas gardé plus d’illusions qu’il n’en faut.

DIANE.

Mon bon ami, vous allez dire des sottises. Ce n’est pas ce qui m’effarouche; mais vous vous vanteriez ce soir au club de me les avoir dites, et voilà ce qui ne me plairait point. Je suis charmée de vous avoir vu, j’espère que vous ne resterez plus six mois sans m’honorer d’un bout de visite, et, si vous avez quelque affaire hors d’ici...

HENRI.

Je suis ennuyeux, n’est-ce pas?...

DIANE.

Non!

HENRI.

Si! Je suis au moins gênant. Il y a de l’indiscrétion à relancer une femme qui à tort ou à raison, mais à tort selon moi, prétend s’isoler comme vous faites.

DIANE.

En quoi donc isolée? On me trouve chez moi; vous en êtes la preuve vivante.

HENRI.

Et agaçante, pas vrai? Mais on ne vous rencontre que par hasard, et vous n’allez plus voir personne. C’est un péché, c’est même le moins pardonné de tous. Notre monde a ses lois, qui ne sont pas d’une sévérité par trop draconienne. Il excuse toutes les choses excusables, c’est-à-dire qui partent du cœur; mais il ne faut ni rompre ni dénouer avec lui.

DIANE.

Ai-je rompu?

HENRI.

A Dieu ne plaise ! mais vous vous détachez quelque peu par cette réclusion obstinée. Montrez-vous, revenez, ne vous concentrez pas dans votre intérieur, si animé et si charmant qu’il vous puisse paraître. Tôt ou tard le jour vient où l’on n’est pas fâché de revoir les indifférens, qui sont le fonds de toute société humaine. Il faut donc éviter, quoi que le cœur nous conseille, de les tourner en ennemis.

DIANE.

Mille fois obligée. Il paraît que vous aviez un sermon à placer, mon bon Henri.

HENRI.

On a fait toute sorte d’économies! Adieu, baronne.