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nement, pour éviter de réunir une assemblée dont il craignait les exigences, s’efforça d’obtenir directement des comitats les subsides et les recrues dont il avait besoin. Espérant que des gens dont il aurait comblé les vœux ne lui refuseraient rien, il confirma le droit de vote individuel des innombrables membres de la petite noblesse. Dans le comitat de Zala, il y en avait plus de vingt mille, cultivant la terre de leurs propres mains ou vivant dans un état voisin de l’indigence. Pauvres, mais fiers, ignorans, mais d’autant plus orgueilleux de leur sang magyare, ils formaient la partie la plus remuante de la nation, celle dont l’hostilité contre l’Autriche était la plus enracinée, la plus irréconciliable. En s’adressant directement à eux et en leur accordant ainsi un pouvoir que la constitution n’attribuait qu’à la diète, le gouvernement commit une de ces fautes auxquelles n’échappent guère les dynasties qui veulent résister aux progrès légitimes de la liberté, même aux dépens de la légalité. Il n’obtint pas ce qu’il désirait; partout des orateurs populaires enflammèrent l’esprit d’opposition. Il fallut bien finir par convoquer la diète. — Quand elle se réunit en 1825, l’Autriche vit avec effroi se redresser devant elle, sur son propre territoire, dans la ville royale de Presbourg, ces principes de la révolution, ces aspirations vers l’égalité et la liberté que la sainte-alliance et la France du droit divin venaient d’écraser en Italie et en Espagne. Les chambres rédigèrent une proclamation pleine de menaces, et proposèrent de mettre les commissaires royaux en accusation. L’orage ne fut conjuré que par l’intervention conciliante du palatin et par des concessions de la cour de Vienne. L’assemblée de 1825 fut appelée la diète de la renaissance, parce que c’est de là en effet que date en Hongrie le réveil de la vie politique, qui n’a cessé depuis d’acquérir sans cesse plus de puissance et plus d’éclat malgré les revers de 1849 et le régime de compression à outrance dont ils furent suivis.

Le jeune Deák se jeta sans hésiter dans le mouvement libéral qui emportait alors presque tous ses concitoyens. Il prit une part active aux débats ardens qui ne manquaient pas de s’ouvrir à toutes les réunions de la congrégation du comitat de Zala. Il avait droit d’y assister en sa double qualité de noble et d’avocat. Quatre fois par an se réunissait, comme on sait, au chef-lieu de tous les comitats la congrégation, à laquelle pouvaient prendre part tous les nobles, — il y en avait plus de six cent mille dans le royaume, — et les personnes remplissant une fonction libérale, comme les ministres du culte, les médecins, les instituteurs, les notaires, les hommes de loi. En temps ordinaire, le nombre des assistans était très restreint; mais dès qu’une question importante était à l’ordre