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Notons cependant que les nations méridionales semblent aujourd’hui s’être mises en route. Si l’on admet les chiffres publiés cette année à la suite d’un recensement qui semble fait avec soin, l’Espagne, que nous considérons comme fort en arrière de nous pour l’enseignement populaire, nous suivrait en réalité de fort près. Depuis plus de dix ans, le principe de gratuité et d’obligation est établi dans ses écoles. On parlait récemment d’ajouter à ce principe une sanction qui lui faisait défaut. D’ailleurs, à ne tenir compte que du chiffre d’écoliers et non point de la force comparative des études, nous n’avons dans nos écoles que deux élèves de plus par mille habitans : la France en entretient cent seize sur mille, et l’Espagne cent quatorze. Parmi les quinze cent mille écoliers qui fréquentent ses établissemens primaires, il est difficile d’indiquer le nombre de ceux qui reçoivent des notions du dessin, il n’est donné par aucun document authentique. Dans les onze écoles de beaux-àrts que signalent les statistiques les plus récentes, comment le dessin est-il enseigné ? Nous devons nous en rapporter sur ce point à ce que l’Espagne nous a montré en 1867. Dans le palais du Champ de Mars, quelques grandes esquisses des écoles spéciales étaient placées un peu hors de la portée de tous les yeux, comme si on n’eût pas tenu à honneur de les faire voir de plus près. Dans la maison du parc, quelques cahiers de dessin témoignaient d’efforts isolés et dépourvus d’une direction générale. Le salon des beaux-arts affirmait bien la renaissance d’une école espagnole non sans accent et sans puissance ; mais comment cette école se rattache-t-elle à la vulgarisation de la science du dessin, jusqu’à quel point même ses artistes ont-ils étudié en Espagne ? On est ici réduit aux conjectures. Quant aux cours d’adultes, le mouvement général qui emporte en ce sens les populations françaises, anglaises, allemandes, s’est peu fait sentir en Espagne. L’industrie espagnole n’est pas assez avancée pour se présenter en concurrence avec les autres sur les marchés européens. Jusqu’au moment où elle éprouvera le besoin de lutter sur ce terrain avec ses voisines, il n’y a guère lieu d’espérer qu’elle comprenne l’importance qu’il faut attacher à la vulgarisation de l’art.

En Italie, on s’est aussi trop reposé sur les aptitudes naturelles de la nation, sur la longue tradition d’art qui s’est perpétuée, bien qu’en s’affaiblissant, dans cette race, et lui a constitué une sorte de patrimoine héréditaire. Le dessin a été longtemps négligé ainsi que toute instruction dans les provinces du sud et du centre. Il a fallu le grand mouvement national qui a entraîné les Italiens vers l’unité pour triompher de cette inertie. L’enseignement du dessin suivra sans doute la fortune de l’enseignement primaire en général, auquel l’actif gouvernement piémontais a partout imprimé une impulsion