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objets de luxe que le progrès de l’aisance a rendus nécessaires, la plupart des marchandises, de celles qu’on a crues surtout atteintes par la dépréciation de l’or, sont aujourd’hui au-dessous du cours de 1857, 1863 et 1864. Elles subissent l’effet du ralentissement des affaires comme précédemment elles avaient subi l’effet opposé. L’élévation du prix des denrées alimentaires et des choses de luxe tient si bien au progrès de la richesse publique, que, partout où ce progrès existe, on les voit coûter plus cher. Déjà elles étaient à un prix très élevé en Angleterre et en Hollande avant 1848, plus chères que chez nous, par la raison toute simple que la richesse y était plus grande. Depuis 1852, la France est certainement le pays qui, par des causes diverses, a fait le plus de progrès industriels et commerciaux, celui dont la richesse s’est relativement le plus accrue. Aussi est-ce celui où les denrées alimentaires et les choses de luxe ont le plus renchéri. Elles sont aujourd’hui à peu près au même niveau qu’en Angleterre et qu’en Hollande. Du reste, si on voulait en avoir une preuve plus décisive, on n’aurait qu’à citer l’exemple des États-Unis. Dans ce pays, depuis longtemps et déjà avant la découverte des mines nouvelles, les denrées alimentaires et les objets de luxe étaient d’un prix plus élevé que partout en Europe. Pourquoi? Parce que le développement de la richesse y était plus grand, qu’il y avait plus de consommateurs de ces mêmes objets, et que la production était d’autant plus insuffisante.

Si on veut dire maintenant que les métaux précieux n’ont plus vis-à-vis de ces marchandises la même puissance d’acquisition qu’autrefois, qu’il en faut donner davantage pour les obtenir, et que c’est un effet de l’influence exercée par les mines d’or sur le développement de la richesse publique, nous ne faisons aucune difficulté d’en convenir; mais il y a une grande différence entre ce cas et une dépréciation de la monnaie. Si on achète plus cher les denrées de consommation, c’est qu’on a plus de moyens de les payer. Le niveau de la richesse a monté à peu près pour tout le monde : pour les uns parce qu’ils ont des revenus progressifs, pour les autres parce qu’ils sont producteurs et vendeurs de tout ce qui s’est élevé de prix. Le salaire des ouvriers eux-mêmes n’est pas demeuré longtemps au-dessous de ce qu’il doit être pour bénéficier du progrès, et aujourd’hui en général, malgré la cherté des denrées nécessaires à la vie, la condition de la classe ouvrière est meilleure qu’il y a vingt ans. Elle est meilleure surtout dans les campagnes, où l’esprit d’économie règne, plus que dans les villes. à n’y a de troublé sérieusement que la situation de ceux qui ont des traitemens ou des revenus fixes. Encore pour les traitemens peut-on les élever et les mettre au niveau de la richesse publique, et on les élève en effet tous les jours.