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1851. Si nous supposons que nous avons eu une part proportionnelle à celle du reste du monde dans le supplément des métaux précieux fourni par les mines, que notre stock métallique en particulier s’est élevé de 25 pour 100, de 40 même, si l’on veut, il nous a fallu, avec 40 pour 100 de plus de métaux précieux, suffire à un mouvement d’affaires triple ou quadruple. Les mêmes progrès ont eu lieu en Angleterre; le commerce extérieur, de moins de 5 milliards en 1851, dépasse aujourd’hui 10 milliards et demi. Je sais bien qu’il faut tenir compte de la plus grande rapidité avec laquelle circulent à présent les métaux précieux, des facilités qu’ont apportées sous ce rapport les chemins de fer et la substitution elle-même de l’or à l’argent, c’est-à-dire d’un métal ayant plus de valeur à un autre qui en avait moins. Il faut tenir compte encore de tous les moyens de crédit qui se sont beaucoup développés depuis quinze ans, et dont le progrès a suivi celui des affaires; mais il y a de la marge entre 40 pour 100 de plus de numéraire et 3 ou 400 pour 100 de plus d’affaires, et quelque part que l’on fasse à tous ces moyens, on trouvera encore de quoi absorber largement le supplément de métaux précieux fourni par les mines.

La preuve que ceux-ci n’ont pas été trop abondans, plus abondans que les besoins, résulte de l’insuffisance de l’or et de l’argent plusieurs fois répétée dans cette période de vingt ans. Jamais on n’avait dû les payer aussi cher. S’il en est autrement aujourd’hui, et si notre principal établissement financier regorge de numéraire dont il n’a pas l’emploi, c’est une situation tout exceptionnelle dont nous avons indiqué les raisons ici même dans un précédent travail[1], et qui ne donne pas le moins du monde la mesure de ce que notre pays est capable d’absorber de métaux précieux en temps normal. Si sur les 1,300 millions d’encaisse que possède aujourd’hui la Banque de France il y en avait seulement les 2/3 de trop et qui ne dussent jamais trouver place dans la circulation, cela suffirait pour amener une dépréciation. L’or vaudrait moins chez nous qu’ailleurs, il s’en irait, et nous paierions toutes choses beaucoup plus cher. Or c’est le contraire qui arrive. De même que les matières brutes tendent vers les pays qui savent le mieux les employer, et qui par conséquent les paient plus cher, de même les métaux précieux en général s’en vont vers les pays où ils ont la plus grande puissance d’acquisition. Par conséquent, si nous les voyons abonder chez nous, c’est qu’ils n’ont pas diminué de valeur. Qu’on interroge en effet les mercuriales, on verra que, comme en Angleterre, à l’exception des denrées alimentaires et de certains

  1. Voyez la Revue du 15 mai 1868.