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leurs calculs pour conclure à la dépréciation, la plupart vers 1857, les denrées qu’ils prenaient pour modèle avaient subi une hausse exceptionnelle, due au mouvement de spéculation exagéré qui s’était produit auparavant. Nous touchions à une des plus grandes crises commerciales qui se soient produites depuis longtemps. Les prix devaient baisser sensiblement plus tard, et aujourd’hui, après dix ans, ils sont généralement au-dessous de ce qu’ils étaient en 1857. L’Economist en donne un tableau très lumineux; il prend vingt des marchandises les plus usuelles, le café, le sucre, le thé, le blé, la viande, l’indigo, l’huile, le bois de construction, le suif, le cuir, le fer, le plomb, l’étain, le coton, le lin et le chanvre, la soie, le tabac et les étoffes de coton ordinaires. Quatre seulement au 1er janvier 1868 étaient en augmentation sur les prix du 1er janvier 1857; ce sont le blé, de 10 pour 100, la viande de boucherie de 7 pour 100, l’indigo de 27 pour 100, l’huile de 2 et le tabac de 5. Toutes les autres sont en diminution, le café de 6 pour 100, le sucre de 40 pour 100, le thé de 32, les bois de construction de 9, le suif de 50 pour 100, le cuir de 10 pour 100, le fer de 30 pour 100, le plomb de 26 pour 100, l’étain de 34 pour 100, le coton de 17 pour 100, la soie de 25 pour 100, la laine de 23 pour 100. Avec la solidarité qui existe aujourd’hui entre les principaux marchés, on peut conclure que ce qui a eu lieu en Angleterre a eu lieu également en France. Il résulte de ce même tableau qu’à part les années 1863 et 1864, où, à la suite encore du développement de la spéculation, les prix se sont relevés presque au niveau de ceux de 1857, ils sont restés généralement au-dessous. C’est là un argument considérable pour prouver que la hausse exceptionnelle qui s’était produite sur la plupart de ces denrées de 1852 à 1857 ne tenait pas à la dépréciation des métaux précieux; autrement elle aurait persisté, puisque le produit des mines a été plus abondant que jamais, et que depuis 1857 la Californie et l’Australie seulement ont pu fournir au moins 7 milliards d’or. Elle n’a persisté que sur certaines denrées et en particulier sur les denrées alimentaires; c’est parce que, malgré des ralentissemens d’affaires momentanés, on en a toujours consommé de plus en plus grâce à la richesse croissante et aux habitudes prises, et que la production n’a pu marcher aussi vite que la consommation. Il y aurait eu dépréciation, si nous avions eu des moyens moins puissans qu’au XVIe siècle pour absorber les 25 pour 100 d’augmentation de métaux précieux que nous avons signalés depuis 1848, et c’est le contraire qui est arrivé. Sans parler des autres inventions qui, en augmentant la production, ont multiplié les transactions, nous ne caractérisons la différence de la situation actuelle avec celle d’autrefois