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ronds), dont 20 milliards en argent et ik milliards en or. Les 9 ou 10 milliards de tout à l’heure, rapprochés de ce chiffre, constituent sur l’ensemble du stock métallique une augmentation de 25 à 30 pour 100 en vingt ans, soit de 1 1/4 à 1 1/2 pour 100 par an.

Est-ce là une augmentation suffisante pour avoir amené une dépréciation des métaux précieux? Quelques personnes l’ont cru et ont même calculé le chiffre de cette dépréciation à diverses époques dans la période de vingt ans qui nous sépare de la découverte des mines de la Californie. Les uns l’ont porté à 9, les autres à 15, d’autres à 20 pour 100. Pour faire ce calcul, on a rapproché les prix de certaines denrées aux époques qu’on voulait comparer, et, suivant la différence en hausse qu’on a trouvée, on a conclu à la dépréciation. Nous comprenons qu’en effet ce soit là le moyen à employer lorsqu’on veut se rendre compte de la variation du prix des choses à diverses époques; mais, pour procéder avec quelque sécurité et être à peu près certain qu’on ne se trompe pas sur la cause à laquelle on attribue les variations que l’on signale, il faudrait agir sur un long espace de temps, afin de ne pas être soumis à des influences accidentelles; si on n’a devant soi qu’une période très courte, on est exposé à toutes ces influences, et ce sont elles qui servent à former la moyenne à l’aide de laquelle on conclut. C’est malheureusement là le tort des calculs auxquels nous faisons allusion; ils ont été établis pour une période de dix à quinze ans. Or pendant ce temps que de circonstances autres que celle de la production de la monnaie ont pu modifier les prix ! Nous avons eu d’abord l’impulsion extraordinaire donnée aux affaires après le coup d’état de 1851, puis l’influence de la guerre de Crimée en 1854 et 1855. Et, si on adopte le blé comme point de comparai- son, il faut tenir compte de trois années de disette consécutives, de 18ô4 à 1856. En 1857 survient une crise formidable par suite d’excès de spéculation. Prolonge-t-on la comparaison jusqu’à nos jours, jusqu’en 1868, on trouve encore en 1859 une nouvelle guerre, celle d’Italie, avec toutes les conséquences qu’elle a eues sur l’avenir politique de l’Europe. En 1863 et 1864, nouveaux embarras financiers ayant à peu près les mêmes causes qu’en 1857. En 1866 arrive la guerre d’Allemagne, qui a changé l’équilibre de divers états, et enfin depuis, par des raisons que chacun connaît, l’Europe se trouve plongée dans toutes les appréhensions de la guerre et vit au milieu des plus grandes inquiétudes. De là dans les affaires un ralentissement prolongé qui n’est pas sans influence sur le prix des choses, et qui ne constitue pas non plus un effet normal. Quelles conjectures peut-on former sur une période traversée par tant d’incidens, par tant d’orages, au milieu desquels il