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Tel est le canevas, extrêmement simplifié, de ce long drame, qui souffre plus que nous ne saurions le dire de cette réduction infinitésimale. Que l’on se représente une trentaine au moins de personnages se mouvant autour de l’héroïne principale et tous avec une étonnante vivacité de langage et une variété non moins remarquable de physionomie physique et morale ! Dès les premières pages, nous sommes en présence de huit caractères parfaitement dessinés; c’est d’abord l’étudiant en théologie Bol, brave garçon de très petite naissance, laid, gauche et raide, mais bon, laborieux, aussi paradoxal dans ses théories que judicieux dans sa pratique; puis son ami le jeune comte d’Eylar, plein de distinction et de bon goût, mais de volonté indécise et facilement mené par ses camarades, comme il le sera plus tard par sa femme; puis le Frison Donia, au cœur ouvert, à l’esprit sensé, qui à vingt ans s’adonne à la poésie byronienne et plus tard sera un administrateur de premier ordre; Gaillard, le va-de-bon-cœur de la bande, le moins moral aussi, et que par la suite Nicolette seule saura ramener à la vie décente et régulière; van Zirik, le plus riche et le moins spirituel de la pléiade; l’avocat en herbe Hoogenberg et l’étudiant en médecine Zevenaar, destinés à briller aux premiers rangs de leur carrière respective; enfin le jeune négociant Bleek, introduit accidentellement dans la pléiade avec le titre de Comète, et qui, d’abord insignifiant, ne tarde pas à se révéler sous les traits de l’hypocrite le plus fieffé qu’il soit possible de concevoir. Ce sont les pères adoptifs de l’enfant de la Saint-Nicolas. Plus tard, nous voyons passer et repasser autour d’elle bien d’autres types fort curieux, par exemple sa nourrice Mîtie Lammertsz, dont le lait vaut beaucoup mieux que les principes, la douairière d’Eylar, mère de Maurice, dite Madame Mère, pour la distinguer de la jeune comtesse, descendant d’une famille de réfugiés français et formant un parfait contraste avec sa voisine de campagne, la douairière de Dourtoghe, qui représente l’ancien patriciat, la charmante Bettemie, sa nièce, qu’épouse par la suite le frère de Nicolette, non sans avoir dû la disputer longtemps à Drenkelaar, un de ces intrigans de la pire espèce, qui cachent leurs ruses infernales sous les dehors les plus réguliers, les plus irréprochables; Flinck, le vieux négociant retour des Indes, encore un type à part; le baron Tilbury, l’un des poursuivans de Nicolette à La Haye, vieux roué qui, par ses ridicules prétentions, précipite la sombre catastrophe dont l’infortunée jeune fille est la victime. Nous en pourrions citer bien d’autres; mais n’oublions pas M. et Mme Pury, ou plutôt Mme et M. Pury, les marchands de nouveautés en renom d’Amsterdam, car c’est madame qui commande et non monsieur, ex-coiffeur français, qui a