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stolat. » Il fut en effet par la suite père de six enfans, son père à lui-même en avait eu dix, et il ne se piqua jamais de convertir les gens[1].

Pourtant son père s’était flatté quelque temps de l’espoir que son fils étudierait en vue du ministère évangélique; mais les dispositions du jeune homme n’étaient pas d’accord avec les vœux du savant professeur, qui eut le bon sens de le laisser libre, et cette fois, en Hollandais pratique qui sait bien qu’une condition rigoureuse de la culture assidue des lettres est de n’avoir pas besoin d’elles pour vivre, il étudia la jurisprudence, et se distingua dans cette branche au point d’être revêtu en 1829 de la charge d’avocat du trésor public (rycksadvocaat), charge qu’il remplit jusqu’à sa mort. Par un scrupule de conscience qui lui fait honneur, il n’accepta que rarement, et seulement à titre gratuit, des causes étrangères à ses fonctions officielles.

Il s’occupa aussi de politique. Personnellement très libéral quand il avait à juger les institutions et les hommes en dehors des luttes du jour, d’une grande impartialité historique, il devait sans doute à ses expériences de jeunesse d’être d’une défiance extrême à l’endroit des partis libéraux contemporains. Ce n’est pas qu’il eût le moindre goût pour l’autocratie ou pour un système quelconque de compression. Il se fût très volontiers arrangé d’un régime de grande liberté, mais à la condition que le pouvoir restât aux mains d’hommes portant des noms connus et soigneusement choisis dans l’élite de la population. Je définirais volontiers sa tendance en disant qu’il était moins aristocrate et autoritaire qu’oligarque. De 1853 à 1856, il représenta le district électoral de Steenwyk aux états-généraux. Il ne fut pas réélu, mais il n’en resta pas moins membre influent du parti conservateur, qu’il défendit par des articles de journaux et des brochures contre les attaques du libéralisme envahissant. Cette part active prise à la politique intérieure ne faisait aucun tort à sa fécondité littéraire. Auteur de plus de cinquante nouvelles ou romans, il collaborait à divers recueils, il était membre assidu de l’Académie des Sciences et président de la Société des Beaux-Arts; il faisait partie de toute sorte de sociétés savantes, commissions archéologiques, comités littéraires. Enfin il travaillait à une nouvelle édition des œuvres volumineuses du fameux poète hollandais Vondel, son auteur de prédilection. Il est mort peu de temps après

  1. Je possède une lettre de lui, écrite en 1866, au moment où à Berlin, à Dresde, à Florence, à Munich, à Vienne, ailleurs encore, on invoquait à l’envi le Dieu des armées en faveur de toutes les prétentions et à l’appui de toutes les causes. « En vérité, mon cher monsieur, m’écrivait-il, je n’ai jamais vu faire un pareil abus de la Divinité, et le bon Dieu ne doit plus savoir à quel saint se vouer. »