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si libérale : « La science, comme la marée montante, contraint l’église à prendre pied sur un terrain plus solide et qui soit moins à la discrétion des études critiques et historiques, si envahissantes de nos jours. Plus haut, au-dessus des formules brisées et des faits rejetés dans la légende, dans le monde idéal de la conscience et de la vie intime, plus près de Dieu, l’union se reforme et s’affermit entre tous les disciples de Jésus. C’est un ministère de réconciliation, de pacification qu’elle accomplit, cette science critique, poursuivie de tant d’injures ! Sans se laisser désarmer par les anathèmes, sans se laisser ébranler par l’accusation d’impiété, toujours si fâcheuse à supporter, elle a su montrer à notre génération surprise, sous toutes ces différences de dogmes qui ont déchiré l’église, ce même cœur chrétien dont les battemens ont entretenu dans l’humanité une nouvelle vie. Elle nous rend ainsi, à travers les siècles et au-dessus des diversités de races, cette unité spirituelle de la chrétienté qu’un point de vue étroit et superficiel nous avait habitués à méconnaître en nous retenant sur des querelles scolastiques. C’est à elle que nous devons de pouvoir unir dans l’indépendance de notre caractère le respect du passé et l’amour du progrès... C’est elle qui nous permet, sans nous avilir par des sous-entendus et des compromis, de resserrer la chaîne de nos traditions chrétienne et protestante, et de revendiquer comme notre patrimoine l’héritage des martyrs de l’âge apostolique et des héros de la réforme[1]. » Il n’était pas possible d’inaugurer par de plus belles paroles la véritable alliance évangélique à laquelle le protestantisme libéral de France vient d’élever le temple de Neuilly.

De Channing à Parker, de celui-ci à M. Athanase Coquerel et à M. Fontanès, il y a un progrès constant vers les hautes et pures régions de l’idéal évangélique, La doctrine qui vient d’être signalée n’est pas encore le dernier terme de cette grande réforme qui s’est appelée le christianisme libéral. En abandonnant à la science et à la critique le dogme et l’histoire, les docteurs de cette réforme conservent le principe de l’une ou de l’autre, le Dieu réel et personnel de la théologie et le Christ réel de la tradition. Si réduite que soit la doctrine chrétienne ainsi simplifiée, il semble qu’elle contient encore un élément de trop pour pouvoir être un christianisme éternel et universel : cet élément, c’est la réalité objective soit de l’idéal dogmatique, soit de l’idéal historique de cette grande religion. Croire à la réalité de l’être métaphysique qu’elle appelle

  1. Alliance évangélique de Neuilly. Discours d’inauguration de M. E. Fontanès sur l’unité de l’esprit parmi les chrétiens.