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cette bravoure inutilement déployée, leur furent fatales. Dans plusieurs rencontres, ils furent littéralement fauchés. Ce qui se passa à Podol se reproduisit en effet pendant tout le cours de la guerre. On explique de cette manière l’écart considérable qu’il y eut toujours entre les pertes des deux armées. Ce premier engagement sérieux fut sur les deux armées d’un effet moral énorme. Les Autrichiens se voyaient dès l’abord envahis, repoussés sur leur propre territoire et décimés par une arme supérieure. Les Prussiens prirent confiance en eux-mêmes, dans leurs chefs, dans l’excellence de leur armement.

L’armée de l’Elbe n’avait pas été moins heureuse. Dès le 26 juin, elle communiquait avec la première armée, et toutes deux s’avançaient sur Munchengrætz. On sait que Clam-Gallas s’y trouvait avec son corps d’armée. Obéissant à ses instructions, il se bornait à contenir l’ennemi. On venait même de lui ordonner d’abandonner l’Iser; mais le 26 Benedek, instruit des mouvemens des deux armées prussiennes, reconnut qu’il s’était trompé et changea brusquement d’avis. L’effort principal se portait sur la Bohême. Il résolut de se retourner de ce côté avec toutes ses forces et de reconquérir la ligne de l’Iser, bien compromise déjà. Dans cette nouvelle combinaison, Clam-Gallas devait former l’avant-garde de la grande armée autrichienne et résister en attendant qu’on vînt l’appuyer pour reprendre l’offensive. Attaqué à Munchengrætz le 27, il céda devant des forces supérieures et se retira sur Gitschin, où il s’établit dans une bonne position défensive, s’attendant toujours à être secouru. La première armée prussienne le poursuivit et l’attaqua. Il y eut le 27 un combat sanglant qui coûta cher aux Prussiens; mais l’avantage leur resta. Ils étaient maîtres de l’Iser et du chemin de Dresde à Prague. Clam-Gallas n’avait point été soutenu; il reçut même le 29 au soir l’ordre d’évacuer Gitschin et de se replier en toute hâte sur Kœnigsgrætz. Benedek avait encore une fois changé de dessein. Il venait d’apprendre en effet l’entrée en Bohême de l’armée du prince royal, et comprenait trop tard quel était le plan des Prussiens et quel danger il lui faisait courir.

Le prince royal était resté en expectative, prêt à faire face à une offensive des Autrichiens, à les prendre à revers, s’ils se portaient sur les deux autres armées, à entrer enfin en ligne à son tour et à compléter le plan d’invasion, s’il réussissait du côté de la Saxe. L’événement le plus favorable fut celui qui se présenta. Instruit des progrès des armées prussiennes et du dessein de Benedek de reconquérir l’Iser, le prince royal se mit immédiatement en marche; il envoya auparavant deux divisions du 6e corps faire une démonstration par Neisse, sur la route d’Olmütz; elles devaient y occuper les Autri-