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le vaudeville, comme on le sait de reste, n’étant pas tenu de respecter la vraisemblance. A la suite d’une soirée où il trouve, l’intolérant! que sa femme a obtenu trop de succès, un jeune mari se laisse aller à lui faire une scène. La scène se termine par un de ces gestes qui, atteignant en plein visage une femme jeune, belle et fière, risquent de n’être expiés ni par la soumission la plus humble, ni par le plus amer repentir. M. de Frondeville, l’époux trop vif, accablé du sentiment de sa faute et n’osant reparaître devant les yeux de sa victime, prend la fuite sans se retourner, et court s’enfouir dans son château au fond de sa province. Il y passe trois années, avivant par l’absence et par le remords un amour interrompu en pleine lune de miel. Cependant, pour être mari, et très coupable mari, on n’en est pas moins homme, c’est-à-dire sujet à se consoler. Il se rencontre sur la route de M. de Frondeville une provinciale aussi jolie qu’ambitieuse, Mme Rédif, qui s’est mis en tête de faire du plus benêt des maris, par l’entremise de l’empressé châtelain de Frondeville, un receveur-général. Ce ménage est pour le moment installé au château. Nous voulons croire, bien que les auteurs aient eu le tort de nous en trop insinuer sur ce point délicat, que les imprudences de la jeune femme se sont bornées à cette compromettante visite et à quelques marivaudages véniels. Un beau soir tombe de Paris Mme de Frondeville. Elle vient faire à son mari la plus singulière des confidences. Elle craint de ressentir pour un autre une inclination naissante, et lui demande de la protéger contre elle-même. Frondeville promet à sa femme de la sauver, se promet à lui-même de la reconquérir, et, fort de ces bonnes résolutions toutes fraîches, ne se déconcerte pas trop à l’entrée, assez plaisamment préparée, de Mme Rédif. La présence au château de cette légère personne, même escortée du bonhomme Rédif, ne justifie que trop la prière qu’à son tour il adresse à Mme de Frondeville de le défendre contre les mauvaises suggestions de la solitude et ses propres entraînemens. Ce vaudeville est esquissé d’une manière alerte; mais il semble fort surpris de servir de prologue à la pièce toute différente qui va commencer, et dont les situations, plus violentes sans être beaucoup plus naturelles, laissent regretter la gaîté facile de ce début.

Fanny Lear apparaît enfin. Après avoir été quelques années une actrice de troisième ordre et avoir réalisé une colossale et scandaleuse fortune, elle a épousé ou plutôt acheté un vieux libertin ruiné, épave parisienne qu’on découvre pour ce marché dans les plus basses tavernes de Londres. C’est une sorte de gageure qu’elle a faite avec elle-même d’ouvrir à la fille tarée d’un pêcheur de la Cité les rangs de la société la plus justement ombrageuse. A peine devenue marquise de Noriolis, elle s’aperçoit qu’elle a épousé un homme dont la débauche, les désastres et une hideuse misère ont égaré la raison. Son mari est fou à lier, et