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lier de soldats péruviens restaient sur le carreau. Parmi les morts se trouvait le colonel Galves, ministre de la guerre du Pérou. Cependant les fortifications demeuraient intactes, et les Péruviens ne ralentissaient pas leur feu. L’escadre espagnole avait subi des pertes cruelles et éprouvé des avaries graves; elle abandonna la partie.

Ce fut le dernier acte d’agression. Les vaisseaux espagnols s’éloignèrent des côtes du Pacifique, et le conflit est entré depuis dans une phase nouvelle de négociations diplomatiques qui n’ont pas encore abouti. L’état de guerre subsiste aujourd’hui entre les belligérans, quoique depuis deux ans on se soit abstenu de part et d’autre de tout acte effectif d’hostilités. Cette sorte d’armistice tacitement consenti permet aux neutres de s’employer plus activement en faveur de la paix. La France et l’Angleterre ont réitéré leurs offres communes de médiation; mais si jadis, au début de la guerre contre le Chili, l’Espagne refusait de les accepter, ce sont aujourd’hui les coalisés américains qui marchandent les concessions, et qui trouvent des prétextes pour ajourner une réponse définitive. De leur côté, les États-Unis ont offert de confier la solution du différend à une sorte de congrès où chacun des belligérans se ferait représenter, qui se tiendrait à Washington, et dont le gouvernement fédéral aurait la présidence. Ces propositions n’ont pas obtenu jusqu’ici plus de succès que celles des puissances européennes. On n’a peut-être pas oublié à Santiago que l’attitude des États-Unis devant Valparaiso a trompé bien des espérances.

Le fait saillant qu’ont mis en lumière les dernières entreprises de l’Espagne dans le Pacifique, c’est que dans certaines conditions les forces régulières des états sud-américains n’étaient pas incapables de résister aux attaques venues de l’étranger. Auparavant, dans les luttes engagées contre quelque grande puissance, les nations hispano-américaines avaient été contraintes ou bien de céder ou bien de recourir à des moyens révolutionnaires, tels que le soulèvement des masses et la désorganisation de l’état social, mesures violentes qui leur causaient à elles-mêmes plus de mal qu’à l’ennemi. L’exemple du Chili et du Pérou a montré qu’avec de la prévoyance et de l’énergie il ne serait pas indispensable d’y recourir. Les petites républiques américaines en ont pris plus de confiance en leurs ressources, et les succès obtenus dans le Pacifique ne sont peut-être pas sans avoir renforcé au Mexique la résistance des libéraux. En tout cas, la situation nouvelle que se sont faite les républiques alliées doit influer sur leurs rapports à venir non-seulement avec l’Espagne, mais aussi avec les autres puissances maritimes. Elles ont fait preuve d’une vitalité dont il convient de leur tenir compte, et, loin d’ailleurs de leur en garder rancune, l’Europe applaudirait à leur persévérance, si après l’a-