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par les gouvernemens comme par les peuples, elles furent enfin suivies d’effets.

Le peuple chilien s’est acquis, parmi les populations de l’Amérique méridionale, une réputation de bravoure, de constance et d’énergie qu’il semble jaloux de maintenir. La nouvelle de l’occupation des îles péruviennes l’émut vivement. Les meetings populaires, les journaux de toutes les nuances, ne ménagèrent à l’Espagne ni les récriminations, ni même les expressions injurieuses. L’Espagne, disait-on de toutes parts, en veut à l’indépendance américaine. C’était un bien gros mot, et il eût été plus vrai de dire que l’ancienne métropole concevait mal la convenance de traiter sur le pied d’une parfaite égalité les jeunes nations auxquelles elle avait elle-même donné naissance. En ce point d’ailleurs, on l’a vu, les autres puissances européennes, et jusqu’à la grande république des États-Unis, se montraient souvent disposées à partager les mêmes sentimens. Plus peut-être qu’aucune autre des nations hispano-américaines, la nation chilienne avait acquis le droit de se faire accepter sur le pied d’une entière égalité dans ses rapports avec les autres peuples. Par une heureuse exception qui le distingue du reste des républiques sud-américaines, le Chili offre le spectacle d’un état paisible sagement constitué, qui recherche le progrès en le demandant au jeu régulier de ses institutions, et qui donne à ses relations à l’extérieur la garantie de sa stabilité intérieure. Diverses causes semblent s’être réunies pour introduire ces habitudes de calme et de tranquillité qui favorisent le développement rapide de la prospérité publique et l’accroissement de la population. Le climat tempéré se prête au travail; la situation géographique du pays resserré entre la chaîne des Andes et l’Océan, permet à la navigation d’établir des communications constantes et faciles entre les centres habités, presque tous situés le long des côtes. L’action du gouvernement peut ainsi s’étendre partout. Le chef de l’état, nommé à l’élection, mais conservant le pouvoir exécutif pendant un temps relativement long, connaît mieux l’esprit de la nation et se fait mieux connaître d’elle. Le gouvernement, en changeant moins fréquemment de mains, acquiert plus de stabilité, et, comme son existence doit être plus longue, il a plus d’intérêt à se maintenir en parfait accord avec l’opinion publique, dont l’influence reste toujours toute-puissante. La faiblesse numérique de l’armée, 2,700 hommes pour une population de 1,700,000 âmes, la discipline sévère qu’elle doit à un séjour permanent sur les frontières d’Araucanie et à ses luttes constantes contre les tribus indiennes, arrêtent les révolutions militaires si fréquentes dans d’autres républiques sud-américaines. En résumé, entre le gouvernement et