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l’amiral Pareja, plus impétueux, plus emporté, plus disposé à demander à des coups d’éclat les résultats que son prédécesseur était assuré d’obtenir par la patience. En demeurant aux îles Chinchas, la flotte espagnole n’eût couru aucun risque, et l’exploitation du guano lui eut fourni les moyens de s’indemniser de ses dépenses aux frais du Pérou. Celui-ci, hors d’état de se débarrasser de l’occupation, eût fini par accorder toutes les concessions qu’on exigeait de lui. Le cabinet Narvaez jugea sans doute qu’un prompt succès au Pérou détruirait le mauvais effet produit par l’évacuation de Saint-Domingue. L’amiral Pareja, satisfait de se voir autorisé à employer des mesures rigoureuses, fit savoir à Lima que, si ses demandes n’obtenaient pas promptement pleine satisfaction, il allait prendre une offensive plus menaçante.

La présidence de la république péruvienne appartenait depuis 1863 au général Pezet, homme honnête et consciencieux, mais circonspect, ennemi des aventures, et qu’un long séjour en Europe avait pénétré de l’idée que les petites nations sud-américaines étaient encore loin de pouvoir résister aux attaques de l’Europe. Toute l’histoire antérieure de ces jeunes états semblait lui donner raison. L’exemple de ce qui se passait au Mexique, où le chef de la république mexicaine fuyait devant l’armée française, semblait d’autant mieux fait pour affirmer l’inutilité de la résistance que la situation du Pérou offrait de frappantes analogies avec celle du Mexique. Au Pérou comme au Mexique, des ambitions rivales com- battaient sans cesse le pouvoir établi, paralysaient ses résolutions, et divisaient le peuple et l’armée. Les luttes des partis, qui se reproduisaient dans les discussions des chambres quand elles ne se traduisaient pas dans la rue par l’émeute ou par la révolution, rendaient difficiles la constance dans les décisions, la suite dans la politique, et permettaient à peine de discerner les vrais sentimens du pays. En outre le président, qui avait recherché à l’origine l’alliance des autres états américains, n’osait plus compter sur leur concours. Sans doute les populations sud-américaines, celles surtout des états du Pacifique, avaient montré de l’irritation contre les exigences de l’Espagne. A la Nouvelle-Grenade, au Venezuela, les résidons espagnols avaient été sinon maltraités, au moins injuriés et menacés par la populace; toutefois l’effervescence n’avait pas encore gagné les gouvernemens, qui reculaient tous devant l’idée de s’exposer à des représailles. Ce sentiment général se trouva nettement formulé par les représentans d’une partie des états sud-américains réunis en congrès à Lima. Avant qu’il fût question d’hostilités avec l’Espagne, le gouvernement péruvien avait entrepris de faire passer dans la pratique une théorie professée déjà depuis longtemps par un grand