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Elle y aboutit de même et plus directement par l’étude des organes et de leurs fonctions. On sait en effet par la comparaison des animaux entre eux et avec les plantes que les organes, malgré leur variété apparente, se ramènent les uns aux autres. Il est possible de prendre l’un d’entre eux, quel qu’il soit, dans l’animal où il est le plus développé, et de le suivre en quelque sorte dans les autres animaux jusqu’à celui où il se montre sous sa forme la plus rudimentaire. On a pu de même comparer les organes entre eux et montrer par leurs ressemblances qu’ils dérivent tous d’un organe primordial, dont ils ne sont que des transformations et des phases plus ou moins complètes. Cette réduction des organes à l’unité a pu se faire pour les plantes comme pour les animaux. Comme les fonctions sont dans le même rapport que leurs organes, il en résulte qu’elles se ramènent toutes à une seule fonction. Il y a des êtres vivans qui n’ont qu’un organe et qu’une fonction : ce sont de vraies cellules dans lesquelles on voit s’identifier en une fonction unique la nutrition et la reproduction, c’est-à-dire la conservation de l’individu et la propagation de l’espèce. De cette simplicité primitive, la science voit naître dans des êtres de plus en plus développés tous les organes et toutes les fonctions.

Ainsi le monde des êtres vivans se présente à l’heure où nous sommes comme un ensemble de formes dont la production est soumise à une loi commune, et qui semblent animées par un agent vital unique et universel. De plus elles se servent en quelque sorte d’aliment les unes aux autres, car les animaux supérieurs mangent ceux qui sont au-dessous d’eux, ceux-ci vivent de végétaux; les végétaux supérieurs veulent aussi pour se nourrir des matières déjà élaborées; seuls, ceux qui sont au plus bas de l’échelle peuvent s’entretenir en n’absorbant que des corps non organisés. Si l’on songe que les élémens chimiques sont les mêmes pour tous les êtres vivans, passent de corps en corps, ne se créant et ne s’anéantissant jamais, on voit que, tout compte fait, ces êtres sont des formes qui se dévorent les unes les autres et qui se reproduisent sans fin pour se servir entre elles d’aliment. Envisagée dans ces figures changeantes, la substance des êtres, à laquelle on donne à tort le nom de matière, est invariable dans sa totalité, comme le prouvent toutes les expériences de la chimie, par conséquent elle n’est soumise ni au temps, ni à l’espace, ni au mouvement; mais les figures dont elle se revêt, soit chimiques soit physiologiques, varient à l’infini et sont soumises à ces trois conditions.

Ces résultats généraux et ces tendances actuelles des sciences d’observation extérieure ne sauraient être négligés par les nouveaux philosophes. C’est ce qu’a exprimé ici même en termes fort remar-