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ne voit que par lui; enveloppé dans le sein de sa mère, il est sujet à plusieurs naissances... Le ciel est mon père; il m’a engendré. J’ai pour famille tout cet entourage céleste. Ma mère, c’est la grande Terre. »


Et, comme ayant conscience de la double méthode qui conduit à la science, le même poète dit encore :


« Celui qui connaît le père du monde au moyen des choses d’ici-bas peut connaître tout cet univers au moyen des élémens supérieurs. »


Mais, pour se rendre un compte exact des doctrines répandues dans le recueil des hymnes, il ne suffit pas d’en lire quelques citations; il le faut étudier tout entier dans sa langue et comprendre la signification des mythes et des figures dont il est rempli.

Lorsqu’on passe ensuite aux livres brahmaniques ou à ceux que les Perses ont conservés en les attribuant à Zoroastre, on voit que les élémens de doctrine dispersés dans le Véda se sont réunis, condensés en quelque sorte, et que le travail intellectuel des Aryas a définitivement abouti à cette unité absolue de l’être dont nous avons déjà parlé. Ces deux séries de monumens doivent conséquemment être regardés comme la dernière expression de la pensée aryenne touchant au terme d’une antique période scientifique. En effet, lorsque le Brahmâ neutre d’une part et l’être non actif de l’autre eurent été respectivement conçus par les Indiens et par les Iraniens, il n’y avait plus rien à chercher au-delà; la période d’activité intellectuelle où ils étaient se fermait. Quand on résume tout l’ensemble d’idées élaboré jusque-là par ces deux peuples, on voit au sommet l’unité absolue et neutre qui, en se déterminant, devient le moteur universel du monde, le principe de la vie et l’objet suprême de la pensée. En déployant son activité éternelle, le dieu producteur du monde y introduit un principe féminin qui fut appelé Mâyâ dans la langue sanscrite et qui est en métaphysique la possibilité du plus et du moins, c’est-à-dire le principe de la quantité. Envisagé dans l’univers, le dieu suprême reçoit le nom de Feu et constitue dans les animaux et les plantes d’une part la vie individuelle et transmissible, de l’autre l’idée, c’est-à-dire les formes soit physiques, soit intellectuelles. Du moment où l’unité absolue est conçue comme productrice et unie à une mâyâ, cette dualité se retrouve nécessairement dans ses productions inférieures à tous les degrés de l’échelle. Dès lors il devient possible de comprendre les phénomènes du mouvement, qui s’opèrent dans le temps et dans l’espace, ceux de la vie, qui ne se perpétue que par son dédoublement en deux sexes, et enfin ceux de la pensée individuelle, dont la plus simple expression contient deux élémens irréductibles entre eux. La même