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breuses, plus restreintes et plus précises. Il s’ensuit en outre qu’il n’est pas logique d’opposer, quant à leurs principes, la religion et la science, et de penser que l’une repousse la recherche libre de la vérité, tandis que l’autre l’appelle. Les prétentions de quelques églises ne sont pas les dogmes communs de l’humanité. Jamais les brahmanes n’ont proscrit le libre examen; en Occident, si une partie du sacerdoce romain l’interdit, une autre l’accepte, l’immense majorité des fidèles le pratique; enfin le protestantisme l’a pris pour une de ses règles. Or les protestans ne sont pas moins religieux ni moins chrétiens que les ultramontains du catholicisme. En fait, la pensée de l’homme est libre dans la religion comme dans la science, et la science des religions dont nous donnons ici l’esquisse est assez avancée déjà pour qu’il soit possible de voir le terrain sur lequel cessera un malentendu dont la science et la religion ont également souffert.


II.

Dans les pages qui précèdent, il n’a été question que de la méthode suivie jadis par les auteurs de la religion et dans les temps modernes par les savans. Nous devons maintenant exposer les résultats généraux auxquels ont abouti jusqu’à ce jour les uns et les autres. La religion et la science ont pareillement en vue de donner la formule générale de l’univers, c’est-à-dire une expression qui, en se diversifiant, fournisse l’explication de tous les phénomènes physiques, intellectuels et moraux. Nous avons exposé comment cette formule se trouve tantôt simplement énoncée dans les rituels des différentes églises, tantôt implicitement contenue dans les symboles ou représentée comme une action dramatique dans les cérémonies du culte. Puisque tous ces élémens qui constituent la religion se trouvent mêlés avec des élémens étrangers, moraux, politiques ou ethnologiques, le premier travail du critique est de les en dégager et de les faire apparaître dans leur pureté et dans leur sincérité. Le physicien qui voudrait connaître la loi de l’élasticité des vapeurs n’irait point l’étudier dans les machines qu’emploie telle ou telle industrie, principalement si les chefs de ces établissemens avaient intérêt à ne la point divulguer. Il est souvent difficile au prêtre de dévoiler les mystères de sa religion particulière; le simple fidèle au contraire a non-seulement le pouvoir, mais le droit de le faire, parce que la religion n’appartient pas au prêtre, et qu’elle est le commun héritage de l’humanité. Le premier qui autrefois ait tenté sur les religions les études qui se réalisent aujourd’hui, ce fut, comme nous l’avons dit, Proclus; il avait conçu deux pensées d’une justesse profonde, à savoir que l’humanité suit deux