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élevées dont l’objet n’est nullement arbitraire, ni abstrait, ni idéal, mais est réel et infini. Cet objet est précisément celui de la théorie sacrée.

Les méthodes scientifiques sont donc, comme on le voit, identiques à celles que nos ancêtres de l’Oxus ont suivies quand ils ont conçu et fondé la religion, et jusque-là religion et science sont deux termes synonymes. Ce n’est pas en effet sans raison que le livre où la théorie religieuse la plus ancienne est déposée porte le nom de Véda, qui veut dire science, car cette théorie n’était rien moins que la science complète des anciens temps. D’où vient donc que religion et science semblent aujourd’hui deux termes qui s’excluent l’un l’autre? On verra tout à l’heure que cette exclusion n’est qu’apparente; mais cette apparence même n’est plus un mystère depuis que la science comparée des religions a permis d’énoncer les lois auxquelles elles sont soumises. La nature entière en effet procède dans le déploiement de ses forces vivantes par des périodes successives et non d’une manière continue. La plante ne pousse pas toujours; elle suit les saisons, les alternatives du jour et de la nuit, celles de la pluie et du soleil. L’enfant, ainsi que les petits des animaux, grandit par périodes alternées de croissance et de repos ; enfin l’évolution spontanée de ses facultés intellectuelles et morales est soumise aux mêmes conditions. Si, au lieu de s’arrêter aux individus, on envisage l’espèce, on la voit reproduire en grand les mêmes phénomènes, parce que l’espèce, n’existant que dans les individus, a pour lois celles auxquelles eux-mêmes sont soumis. Théoriquement, on est donc conduit à penser que l’esprit de l’homme prend possession de la nature non pas en une seule fois et par un travail non interrompu, mais par périodes entre lesquelles des repos plus ou moins prolongés doivent se produire. L’histoire est d’accord avec la théorie. Tout le monde sait de quelle époque date la science moderne, ou, pour mieux dire, dans quel temps a commencé chacune des sciences particulières aujourd’hui cultivées. Il en est de toutes récentes, comme la chimie, la science du langage et celle des religions; d’autres, comme la physique et l’astronomie, sont plus anciennes; quelques-unes remontent à des époques encore plus reculées; toutes ont leurs commencemens dans l’antiquité aryenne et principalement chez les Grecs. C’est au temps de Solon que la science indépendante se manifesta d’abord en Occident;-son avènement coïncida avec celui de la démocratie, dont ce grand homme fut pour l’humanité le premier organisateur. Après une période initiale où elle eut à lutter à la fois contre le polythéisme et contre les aristocraties helléniques, elle conquit sa place en Europe par la mort de Socrate, qui fut