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de livres et de textes sacrés authentiques, par-dessus tout la connaissance de l’Inde et de la Perse, ont révélé au XIXe siècle des religions anciennes ou modernes liées avec les nôtres comme causes ou comme effets. Il est loisible à tout homme instruit de prendre ces croyances telles qu’elles sont, de remonter le cours de leur histoire et de les voir naissant les unes des autres, puis se modifiant en vertu de causes étrangères pour s’approprier aux milieux. L’application de l’analyse à cet ordre de faits détache et élimine, à mesure qu’on les voit apparaître dans l’histoire, les élémens ajoutés à la religion, et nous place en présence du fait primordial, qu’il est désormais possible de regarder en face et d’apprécier scientifiquement.

Trois monumens écrits ont dû particulièrement attirer l’attention des savans : ce sont la Genèse des Juifs, l’Avesta des Perses et le Véda des Indiens. Les derniers travaux d’analyse ont confirmé ce que l’on soupçonnait depuis longtemps, que la Genèse, en supposant même qu’elle n’ait pas été remaniée au temps d’Esdras, n’est pas un livre primitif quant au fond, que non-seulement plusieurs chapitres ont été tirés de sources différentes et même opposées, mais qu’elle reproduit simplement sous une forme abrégée et amoindrie les traditions aryennes de l’Asie centrale. Ces traditions se retrouvent en effet plus complètes et plus explicites dans les livres sacrés de la Perse et même en partie dans le Véda, où elles sont présentées comme appartenant à la race qui a composé ces livres, tandis que dans la Genèse elles sont le plus souvent étrangères à celle des fils d’Israël. La Genèse, au point de vue de la science, devient donc un livre secondaire en présence de ceux que nos vrais ancêtres nous ont légués. Son importance relative diminue encore, si l’on considère le problème religieux, car il n’y a presque pas de religion dans la Genèse, tandis que l’Avesta et le Véda en sont remplis : les Élohim, d’où l’idée d’Allah est issue, ne sont pas une conception métaphysique; le Jéhovah (Javeh) tel qu’il est dépeint, au lieu de fournir une grande théorie de l’univers, substitue à l’ordre et à la loi du monde la puissance arbitraire et le miracle; il n’y a pas entre lui et les Élohim une aussi grande distance qu’on l’a quelquefois supposé. Si les Juifs ont reçu de l’Asie centrale l’idée religieuse comme les traditions ethnologiques, ils l’ont conçue selon les aptitudes naturelles de leur race, et ils ont fait perdre à la théorie primitive le caractère métaphysique qu’elle tenait des Aryas; il n’est donc pas étonnant que le fondateur du christianisme ait vu dans sa propre doctrine moins une extension du judaïsme que le rétablissement d’une théorie « cachée depuis les anciens temps. »