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Si l’on cherche le caractère principal de l’exposition de 1867, on peut dire que c’est l’emploi de plus en plus abondant et de plus en plus varié du fer sous toutes les formes, machines motrices, machines-outils, pièces de toute dimension et de toute nature. On en fait des navires, des ponts, des phares, des monumens entiers; on en fait des meubles et des ustensiles de tout genre. Le fer est ainsi comme le roi des métaux, et l’on peut presque mesurer par les quantités qui en sont consommées les progrès de l’industrie en divers lieux et en divers temps. L’industrie du fer subit d’ailleurs, depuis peu d’années, une modification importante. On commence à fabriquer des aciers relativement peu coûteux ; les procédés de cette fabrication sont encore mal définis, mais ils se précisent de plus en plus; un ingénieur anglais, Bessemer, a attaché son nom à l’un de ces procédés. L’acier, dont la cherté seule entravait l’emploi, en vient ainsi à se substituer dans beaucoup de cas au fer ordinaire. Quand la fonte de fer coûte 200 francs et la tonne d’acier 320, comme cela avait lieu en 1867, l’usage de l’acier devient avantageux dans un grand nombre de circonstances; il donne, pour un même poids, une plus grande solidité. On cherche actuellement à l’employer pour les vaisseaux, pour les ponts, pour les chaudières. On en fait des rails pour les voies ferrées. Les rails de fer s’usent avec une effrayante rapidité sur les voies très fréquentées; il faut les renouveler tous les quatre ou cinq ans, au grand danger de la circulation; on espère que la durée des rails d’acier sera trois ou quatre fois plus grande. La compagnie du chemin de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée est en train d’en garnir le trajet entier de Paris à Marseille. Les compagnies anglaises ont depuis plusieurs années commencé de pareilles expériences sur une échelle encore plus vaste. L’outillage des forges s’est perfectionné d’une façon merveilleuse. Elles disposent de machines-outils si bien combinées et de machines motrices si puissantes, qu’elles peuvent travailler, entailler, chantourner des masses de métal vraiment formidables. Des pièces qui ne pouvaient autrefois résulter que de l’assemblage de plusieurs parties établies séparément sont maintenant fabriquées d’un seul bloc. On peut citer en ce genre les bandages sans soudure pour les roues de wagons, les plaques de blindage pour les navires ou pour les fortifications. M. Krupp d’Essen a montré à l’exposition un bloc d’acier fondu de 40,000 kilogrammes. La maison Petin-Gaudet a produit des échantillons aussi extraordinaires. On se fera une idée de la masse des matières qu’emploie l’industrie sidérurgique en constatant que les Anglais ont extrait de leur sol, pendant l’année 1866, 10 millions de tonnes de minerais de fer. Le nombre de tonnes extraites du sol français a été de 3 à 4 millions.