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dans les ateliers. La guerre terminée, il restait à en payer les frais. « A l’action, disent les délégués, succédait un abattement profond. Il y avait des pertes à réparer, il fallait satisfaire à des obligations, et l’honneur de la profession dépendait de la tournure que les choses allaient prendre. La dette consentie et reconnue par tous s’élevait à la somme de 1,865 francs; elle était contractée au nom du corps de métier. Tous les engagemens étaient faits sur parole ou sous la responsabilité de quelques signatures; mais, comme les besoins étaient pressans, chacun restait sur la réserve, et les hommes qui avaient signé les reconnaissances et négocié les engagemens tombaient dans le plus profond découragement en voyant l’abstention muette qui se produisait autour d’eux. » Ce ne fut qu’une angoisse passagère. Les premiers jours d’abattement passés, des souscriptions s’organisèrent, et en six mois les dettes de la communauté furent payées. « La joie fut générale le jour où l’on fut convoqué en assemblée pour le règlement des comptes; c’était le 9 juillet 1865. Non-seulement l’arriéré était soldé; mais il restait un excédant de 200 francs. » Heureux excédant! car, séance tenante, on décida qu’on en ferait la première mise de fonds d’une caisse permanente de secours. Cette caisse fonctionne aujourd’hui, elle prospère, et elle a pu récemment, dans les premiers mois de 1867, prêter 500 francs aux ouvriers en bronze, qui s’étaient mis à leur tour en grève.


III.

Demandons maintenant aux délégués les principales réflexions que leur a suggérées l’examen des produits exposés au Champ de Mars. Tous rendent hommage à ce grand concours des peuples à peu près comme pourraient le faire des écrivains de profession; puis ils entrent résolument dans l’étude détaillée des produits, et les jugent avec une grande indépendance. Leur opinion est très souvent contraire à celle du jury international, et ils n’hésitent pas à décerner les récompenses à leur manière. Ils se plaignent surtout qu’on ait fait la part bien petite aux ouvriers et contre-maîtres, à ceux que la langue officielle a appelés les coopérateurs. « Nous savons bien, dit l’un d’eux, qu’il est difficile à des hommes qui pour la plupart ne font pas partie du corps d’état qu’ils ont à juger, qu’il leur est même impossible de connaître ceux qui ont coopéré à chaque travail et qui sont pour beaucoup dans les œuvres récompensées. Aussi notre désir général serait de voir faire l’enquête des délégués avant celle du jury. Les jurés pourraient alors consulter avec fruit les opinions des ouvriers. » Aussi bien, puisque nous