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sement qui put prospérer, celui de Rixheim. Dans l’origine, l’impression des papiers se faisait entièrement à la planche, c’est-à-dire à la main; vers 1834, on commença d’imprimer au rouleau, c’est-à-dire d’appliquer les couleurs par voie mécanique. On emploie encore les deux procédés dans des proportions à peu près égales, car on prétend que, pour les impressions délicates, le travail de la main est indispensable.

Il nous suffit d’avoir indiqué par quelques traits comment les délégués racontent l’histoire de leurs industries respectives, et nous ne multiplierons pas ces exemples. Cependant nous voulons extraire encore quelques indications du récit que font les ouvriers en papiers de couleurs et de fantaisie; c’est une petite corporation détachée de celle des ouvriers en papiers peints et qui s’est constitué une existence indépendante. Elle est peu nombreuse, et n’a point, à proprement parler, d’histoire, car elle ne date que de 1848 ; mais le récit de ses délégués montre d’après nature les vicissitudes qu’éprouve nécessairement parmi les ouvriers la pratique de l’union et de l’action solidaire. Dans les journées qui suivirent la révolution de février, quelques ouvriers en papiers de couleur mirent en avant l’idée d’une société de prévoyance qui devait secourir les malades et remédier aux chômages. Les versemens devaient se faire toutes les semaines suivant une taxe progressive (2 centimes par franc sur le salaire hebdomadaire jusqu’à 15 fr., 3 centimes de 15 à 30 francs, et ainsi de suite). Le règlement de la société devait entrer en vigueur quand l’encaisse aurait atteint 2,000 francs. Déjà on avait atteint 1,600 francs, — il s’agit, nous l’avons dit, d’une corporation très restreinte, — quand un esprit de défiance et de désunion se répandit parmi les sociétaires; un certain nombre d’entre eux demandèrent sous divers prétextes la dissolution de la société; il fallut retirer les fonds de la caisse d’épargne, où ils étaient provisoirement placés, et chacun reprit le montant de sa cotisation. L’avortement de cette tentative d’association laissa les ouvriers désunis jusqu’en 1862, où ils eurent une occasion de se concerter pour envoyer un délégué à l’exposition de Londres. Bientôt vint une circonstance plus grave pour la corporation. Au mois de novembre 186/1, elle se mit en grève pour obtenir une augmentation des salaires; c’était le moment où le délit de coalition venait d’être supprimé par une loi. On organisa une caisse de résistance; mais la caisse resta bien pauvre. La lutte dura un mois, pendant lequel les ouvriers usèrent jusqu’à leurs dernières ressources. Ils furent soutenus dans cette épreuve par d’autres corps de métiers : les typographes notamment leur prêtèrent 500 fr. Une transaction intervint enfin, et un nouveau tarif ramena les ouvriers