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des Beaux-Arts et de l’Académie des Sciences. Le livre de Fourneau fait encore autorité; mais les délégués se plaignent qu’au milieu de la fièvre des travaux modernes on néglige de plus en plus les préceptes de l’art : on taille les bois sans épures, en les traçant à la hâte suivant les besoins de la pose. Voici venir d’ailleurs les charpentes en fer, dont le palais du Champ de Mars offre lui-même de gigantesques spécimens. Le rôle du charpentier se trouve ainsi amoindri. Il l’est moins cependant qu’on ne pourrait le croire. Le travail considérable des échafaudages lui revient encore, et pour placer même de vastes pièces de fonte, pour lever des fers de quelque importance, on a volontiers recours au charpentier, qui sait mettre en place de lourds fardeaux et qui possède la gymnastique de ces opérations dangereuses. Maintenant faut-il blâmer l’emploi du fer et regretter que le palais de l’exposition n’ait pas été construit entièrement en bois? C’est ce que font les délégués charpentiers, mais c’est ce que nous ne pouvons faire avec eux.

Prenons un autre corps de métier, les ferblantiers par exemple, qui ne nous condamneront pas à remonter aux temps de l’antiquité. C’est en Bohême, vers 1610, qu’on commença de fabriquer le fer-blanc, qui est une tôle recouverte d’étain. Un prêtre bohémien porta cette industrie en Saxe, d’où elle gagna l’Alsace et la Lorraine. En 1663, les ouvriers travaillant le fer blanc et noir vinrent se joindre à la communauté des taillandiers de Paris, qui comprenait déjà les grossiers, les vrilliers et les tailleurs de limes; il y eut ainsi quatre corps de métiers dans la communauté. Elle était gouvernée par quatre jurés dont deux étaient élus tous les ans. Pour être reçu maître, il fallait faire cinq années d’apprentissage dans une première maison, puis travailler trois ans chez un nouveau patron; on faisait ensuite son chef-d’œuvre sous le contrôle des quatre jurés, qui en indiquaient le sujet, et de huit bacheliers, dont deux appartenaient à chacun des métiers de la taillanderie. C’est dans la première moitié du XVIIIe siècle que l’usage du fer-blanc se répandit. Le célèbre physicien Réaumur, mort en 1757, avait puissamment contribué à en améliorer la fabrication. Les ferblantiers en vinrent à fabriquer une grande variété d’ustensiles de tout genre, et à employer le cuivre et le 4nc comme auxiliaires dans leurs travaux. On peut signaler chez les ouvriers ferblantiers de Paris un esprit d’union et d’initiative qui s’est traduit de bonne heure par des tentatives d’association. Dès l’année 1826, ils fondèrent une société de secours contre la maladie et le chômage. En 1848, pendant les mois qui suivirent la révolution de février, ils eurent de très nombreuses réunions et combinèrent entre eux plusieurs plans d’organisation professionnelle. Une association coopérative fut fondée rue