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qui savent coordonner des faits et des idées, n’ont souvent qu’une teinture des différens métiers, tandis que ceux qui connaissent les métiers à fond n’ont point le talent nécessaire pour en parler. Cependant la diffusion des lumières et les progrès de l’instruction populaire nous permettent de voir aujourd’hui une œuvre qui, tout imparfaite qu’elle soit, remplit dans une certaine mesure le programme de Diderot. A l’occasion des dernières expositions universelles, de celle de 1862 d’abord, qui eut lieu à Londres, puis de celle de 1867 à Paris, les ouvriers des différens corps de métiers ont choisi parmi eux des délégués chargés d’étudier les progrès de l’industrie et de constater dans des rapports spéciaux les résultats de leurs études. Ces rapports sont publiés sans aucune retouche et dans la forme même où ils ont été présentés par les ouvriers délégués. On leur a laissé scrupuleusement leur couleur originale. L’ensemble de ces rapports forme une masse de documens assez confuse, d’une lecture pénible, mais digne pourtant de fixer l’attention, car on y trouve les ouvriers peints par eux-mêmes.

Quelque temps avant l’exposition de Londres en 1862, plusieurs présidens de sociétés de secours mutuels se réunirent et rédigèrent un projet d’après lequel une commission serait chargée de donner aux travailleurs les moyens d’envoyer quelques-uns d’entre eux à Londres. Cette commission devait diriger les opérations pour l’élection des délégués, qui seraient choisis par le suffrage des ouvriers de leur profession. Les fonds nécessaires devaient être recueillis au moyen de souscriptions volontaires dans les ateliers; la ville de Paris et la commission impériale de l’exposition compléteraient la somme nécessaire. Le projet rédigé sur ces bases fut adopté par la commission impériale, et au mois de février 1862 la commission ouvrière fut constituée. Elle organisa immédiatement des bureaux pour procéder aux élections. Deux cents délégués furent désignés par la population ouvrière de Paris. Ils se rendirent à Londres par séries, entre les mois de juillet et d’octobre. Chaque groupe avait un délai de dix jours pour remplir sa mission. Chaque délégué recevait à son départ une somme de 115 francs et un billet d’aller et retour; le logement, les entrées à l’exposition, les interprètes et les frais accessoires étaient payés par un membre de la commission ouvrière qui accompagnait chacun des groupes. Cinquante-quatre rapports furent rédigés par les représentans de plus de cent cinquante corps de métiers. L’ensemble de ces documens fut publié en 1864 en un volume compacte; nous n’avons rien à dire de cette publication, dont l’intérêt s’efface devant celui qu’offre le travail des délégués de 1867.

L’expérience faite en 1862 avait réussi. Il était donc naturel de