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que ni l’un ni l’autre ne fût contraint de s’amuser plus qu’il ne voulait. On meubla pour eux seuls un ancien pavillon de garde, isolé sur la lisière du parc, à vingt pas du village, à quarante du presbytère. Hortense n’oublia ni les goûts des vieillards, ni leurs habitudes, ni leurs affections ; ils furent entourés de mille et une reliques qui parlaient de Bersac aîné, et, pour ménager l’amour-propre du gnome, Étienne lui écrivit de sa main : « Bellombre vous appartient, mon cher beau-frère ; nous n’en avons que la jouissance, et nous serons toujours heureux de la partager avec vous. Mais nous attendons quelques hôtes qui, j’en ai peur, feront du bruit, car’ils sont presque tous plus jeunes que vous et moi. Quand vous voudrez dormir en paix loin du piano de ces dames et des fanfares de ces messieurs, rappelez-vous que vous possédez hic et nunc, en toute propriété, l’enclos et le pavillon des Coudrettes. Mmc Étienne ne se réserve qu’un seul droit sur ce petit bien, c’est de vous y rendre ses devoirs et d’y faire porter tout ce qui vous peut être agréable. Inutile d’ajouter que votre appartement reste vôtre et que vos deux couverts seront toujours mis au château. » Célestin remercia le poète avec une émotion visible.. Vous me traitez, disait-il, en vieil enfant gâté. — Le beau mérite ! répondit Hortense. Nous sommes si pleinement heureux que cela déborde de toutes parts. »

Leur automne ne fut qu’une fête. La chasse, les vendanges, les excursions, les bals improvisés, les jeux de toute sorte, un joli mariage qui s’ébaucha dans une promenade en bateau, la grande pèche d’un étang voisin et cent autres distractions que j’oublie, tinrent la compagnie en joie jusqu’au milieu de novembre. Les invités partaient, revenaient, s’oubliaient, s’arrachaient au plaisir, retournaient aux affaires, et retombaient un matin à la grille du parc lorsqu’on ne les espérait plus. C’était un va-et— vient perpétuel entre la ville et le château ; les domestiques passaient la moitié de leur vie à transporter des toilettes et des coiffures nouvelles ; car les femmes faisaient assaut d’élégance, tandis que ces messieurs rivalisaient de bonne humeur et de bel appétit.

Il se trouva, tout compte fait, que le beau monde de la ville avait défilé, pendant cette saison, sous les platanes de Bellombre. Or, les plaisirs de bon aloi vous laissent égayés pour un temps ; à l’éclat des jours radieux succède un crépuscule aimable. Il suffit quelquefois d’un bal ou d’une promenade pour mettre la province en train. On a ri, on s’est rapproché, un sentiment de bienveillance universelle se répand d’une âme à l’autre comme une tache de miel ou de lait ; le désir de continuer ou de recommencer la fête éveille les imaginations, stimule la fibre généreuse ; c’est à qui rendra aux