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autres personnes à l’ouverture de la chasse. Le château devait être régénéré d’ici là.

Les trois mois suivants s’écoulèrent aussi rapidement qu’un dernier jour de vacances. Étienne et sa femme eurent beau se lever matin, la nuit les surprenait toujours à l’improviste ; on n’avait pas eu même le temps de respirer. « Encore un jour passé ! disait Hortense ; un jour de moins à vivre, et la vie est si bonne avec toi ! »

On avait profité de leur long séjour à la ville pour corriger le style de certains bâtiments et ramener les deux ailes à l’unisson du grand corps de logis. Les terrassements du parc étaient faits, les routes serpentines tracées, les eaux vives encaissées entre des gazons neufs, le parterre dessiné, planté et fleuri. U ne restait qu à transformer les dedans, comme à la ville, mais dans un esprit tout différent. Chaque saison a son confort, et le beau d’une maison des champs est de donner pleine carrière aux plaisirs spéciaux de l’été. Peu ou point de tentures, les parois et les plafonds peints à l’huile, de jolis planchers de mélèze qui se lavent tous les huit jours ; les meubles plutôt fermes que moelleux ; ni bois sculptés, ni capitonnages, ni couleurs riches, mais de l’espace, de l’air et de la lumière à profusion. Autant de chambres qu’il se pourra, car il faut prévoir les invasions subites, mais la plus grande simplicité dans chacune : les invités n’y font que leur somme et leur toilette ; le seul luxe à leur offrir chez eux est une surabondance de linge et d’eau. Tout le rez-de-chaussée, pour bien faire, doit être un terrain vague, consacré à la vie en commun. Les salons, la salle à manger, l’office, qui est un buffet permanent, Je billard, la bibliothèque, le cabinet de chasse, la cuisine, sont de plain-pied pour qu’on circule à l’aise sans avoir même une porte à ouvrir. Tout est dallé, sauf les salons, où l’on pourra danser un soir ou l’autre ; la cuisine est assez grandiose pour que dix chasseurs et leurs chiens se sèchent à la fois sous le manteau de la cheminée ; elle est assez brillante de propreté pour que les élégantes de la maison viennent y faire un plum-pudding ou un demi-cent de crêpes, si tel est leur bon plaisir. Étienne dirigea dans cet esprit hospitalier la transformation du château ; il fit peu pour la montre, presque rien pour ses propres aises, énormément pour le bien-être de ses hôtes.

De toute antiquité, M. et Mme Célestin passaient leurs étés à Bellombre. La femme colossale contrôlait les dépenses, l’ex-notaire donnait son coup d’œil aux vendanges ; tous deux, à temps perdu, jouaient un piquet formidable avec le curé de Saint-Maurice. La bonne Hortense, qui pensait à tout, s’avisa que ces braves gens seraient un peu bien effarés au milieu des élégances et des gaietés de septembre. Elle trouva moyen de les isoler sans les exclure pour