Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 77.djvu/569

Cette page n’a pas encore été corrigée

ire et le prix des effets et meubles meublants contenus en icelle. Le travail quotidien de chaque domestique était minutieusement distribué par un règlement spécial. Madame devait livrer au cordon bleu chaque dimanche, après vêpres, tous les menus de la semaine ; la femme de charge avait ordre de changer le linge des maîtres le samedi et le mercredi soir, ni plus ni moins. La porcelaine et les cristaux de tous les jours étaient sous la responsabilité du valet de chambre, ainsi que le plaqué d’argent qui servait en semaine ; les dimanches et jours fériés, madame délivrait elle— même l’argenterie et les services de luxe ; elle devait enfermer la vaisselle dans la salle à manger lorsqu’on passerait au salon, et n’ouvrir que le lendemain matin à six heures l’hiver, à cinq heures l’été, pour que tout fût lavé, mis en état et serré devant elle. Un des premiers actes d’Étienne fut de jeter les règlements au feu, et madame, qui les observait par obéissance posthume, ne parait pas avoir plaidé leur cause.

Bersac aîné jeûnait ou s’abstenait de viande, toutes et quantes fois l’Église Ie prescrit, quoiqu’il eût des dispenses plein les poches. II imposait son régime à la jeune femme, qui du reste en avait fait l’apprentissage au couvent. Hortense n’essaya pas de rien changer aux habitudes d’Étienne, et comme il eut l’esprit de ne point discuter les macérations qu’elle s’infligeait, elle s’en désaccoutuma peu à peu sans mot dire. Une tolérance réciproque les conduisit bientôt, l’amour aidant, à vivre et à penser comme une seule et même personne, ce qui est l’idéal du ménage.

Comme don de joyeux avènement, Étienne offrit une pompe de mille écus à la commune de Saint— Maurice, et Hortense une cloche. Le bon curé préférait hautement un clocher, mais Étienne reconnut, après une enquête, que les vandales de 93 étaient calomniés dans la paroisse ; le clocher détruit n’avait jamais existé qu’en projet, et ce projet, rédigé par un architecte économe, s’élevait au minimum de quarante mille francs.

Rien n’indique que l’auteur de Jacqueline et de Silva ait regretté pendant ces six mois les plaisirs, les fatigues et les angoisses de la vie littéraire. Non— seulement il oublia d’écrire, mais s’il lut quelquefois, ce fut dans le petit cœur de son excellente femme, et il y prit plus d’intérêt qu’au meilleur roman.

Aux approches de Noël, il se lit envoyer des livres et s’abonna à cinq ou six journaux et revues. Les soirées étaient décidément trop longues pour qu’on les passât tout entières à mirer deux yeux dans deux yeux. Un hiver assez doux, mais humide et sombre, interdisait les plaisirs et les occupations du dehors.

Restait la conversation comme unique ressource, mais il arrive toujours un moment où