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ramenait Étienne à l’hôtel. Dirai-je qu’il s’éveilla cent fois pour une et qu’il accusa le soleil de s’oublier derrière l’horizon ? Le jour parut enfin, et les voitures de gala roulèrent par la ville, et le maire ceignit son écharpe en répétant les quatre mots d’allocution qu’il comptait improviser, et les quatre témoins choisis par Célestin Bersac soignèrent leur nœud de cravate, tandis qu’Étienne s’habillait en trépignant, et que six caméristes volontaires, recrutées parmi le meilleur monde, piquaient un cent d’épingles dans Hortense.

L’acte du mariage civil, si grand dans sa simplicité, émut profondément les hommes et fit sourire les femmes qui réservaient leur émotion pour l’église. On —partit pour la cathédrale au bruit des cloches sonnant à toute volée ; on descendit au milieu de l’inévitable racaille ; Étienne saisit au vol les commentaires des vagabonds et des mendiants : « Belle femme, eh ! Baptiste ? j’en voudrais bien pour moi.

— C’est-il ce grand-là qui l’épouse ? Elle en a pris pour son argent.

— Tous les auteurs de Paris sont de la noce.

— Faites-moi voir Alexandre Dumas.

— Ça doit être ce petit blond.

— La charité, mon beau monsieur, je prierai Dieu qu’il vous donne la demi-douzaine »

Après la messe et pendant le brouhaha de la sacristie, Bersac jeune embrassa Étienne avec effusion. « Ah I mon ami, lui dit-il, vous avez abjuré vos erreurs en pliant le genou devant nos saints autels.

— Cher monsieur, répondit Étienne, je me suis déchaussé autrefois pour entrer à Sainte-Sophie, il le fallait ! mais cela ne m’a pas rendu musulman.

Le cortège nuptial partit directement pour Bellombre, où les gens de Mme Étienne avaient dressé un grand couvert. Les seigneurs du château furent reçus à l’entrée du village par le curé de Saint— Maurice, le maire et les trente-deux pompiers, musique en tète. L’autorité ne fut pas trop gauche, et la fanfare des pompiers réserva ses plus fausses notes pour le bal du soir. Le curé, bonhomme tout rond, mais fin matois s’il en fut, pria M. Étienne d’excuser le délabrement d’une pauvre église décapitée par le vandalisme révolutionnaire ; il insinua que tôt ou tard la haute munificence de quelque châtelain relèverait le clocher de la paroisse. En attendant, l’homme de Dieu se laissa conduire au château avec le maire, et prit sa bonne part du dîner.

Tout se passa le mieux du monde, le repas fut plus gai qu’on