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noncé le discours d’Auxerre, un décret royal avait ordonné la formation des corps de volontaires, sous le commandement de Garibaidi. Le général en chef de l’armée italienne, qui n’était autre que le même marquis La Marmora dont la diplomatie habile et circonspecte avait si bien mérité de la cause italienne, le général en chef s’attardait, il est vrai, singulièrement à Florence (jusqu’au 17 juin) : il craignait toujours quelque nouvelle interprétation berlinoise du traité à l’instar de celle du 2 mai, et ne voulait quitter son poste aux affaires étrangères qu’au dernier moment[1]. Retenu ainsi par une raison de force majeure dans la capitale, le futur vaincu de Custoza n’en étudiait pas moins consciencieusement la carte du Pô et du Mincio, et se consumait dans l’attente du général Moltke ou de toute autre sommité militaire prussienne qui, d’après une promesse faite à Berlin dès le mois d’avril, devait venir au moment opportun à Florence combiner un plan de campagne avec le chef italien. Enfin un jour l’envoyé prussien, le comte Usedom, vint lui présenter l’officier-général qu’il lui fallait : c’était un homme de lettres, un doctor philosophiœ, M. Bernhardy[2] ! M. le docteur le mena devant une carte d’Allemagne, expliqua comment le général Moltke se proposait de pénétrer en Bohême, et lui pointa du doigt un endroit « où l’Italie et la Prusse pourraient se donner la main. » Le président du conseil ne put que sourire à ce plan si simple, si sommaire, qu’il avait du reste déjà lu, avec beaucoup plus de détails, dans le journal de M. Mazzini. Il éconduisit poliment cet étrange alter ego de M. Moltke et attendait toujours son général prussien ; désespérant enfin de le voir arriver, il combina son plan à lui seul, le fit approuver par le roi, et partit le 17 juin pour le quartier-général.

Grand fut son ébahissement lorsque, trois jours plus tard, et toutes ses dispositions étant déjà prises, il recevait une note de M. d’Usedom qui lui recommandait de nouveau le plan de M. le docteur Bernhardy, le plan de M. Mazzini, le lui imposait même en des termes durs et hautains ! « Le système de guerre pour la campagne prochaine que la Prusse propose à l’Italie, disait M. d’Usedom, est celui d’une guerre à fond. Les forces italiennes doivent non pas s’occuper à faire le siège du quadrilatère, qu’il suffit de paralyser par des corps d’observation respectables, mais à se frayer le chemin vers le Danube : qu’elles marchent sur Vienne! autrement la co-

  1. Le Général La Marmora et l’Alliance prussienne.
  2. « Je venais pour la remonte de notre cavalerie, et ils m’envoyèrent un père capucin, » dit Illo dans le Wallenstein. — Les détails qui suivent sont donnés d’après le récit authentique de l’écrit le Général La Marmora, etc. Il importe de faire observer que toute la partie stratégique de la note Usedom était copiée presque littéralement d’un article de M. Mazzini publié dans le Dovere de Gênes du 26 mai 1866.