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l’était si peu, le gouvernement de Vienne crut devoir prendre certaines mesures de précaution en Bohême, et y concentrer quelques troupes. La chose était d’autant plus urgente que l’objet en litige, ces duchés convoités par le successeur de Frédéric II, étaient séparés de l’Autriche par toute l’épaisseur de l’Allemagne, tandis qu’ils se trouvaient à la portée immédiate de la Prusse, qui n’avait qu’à étendre la main pour les saisir et pour faire prisonnier le général de Gablenz avec ses quelques régimens. « L’Autriche aurait dû armer bien plus tôt, » s’est écrié M. Thiers dans un discours mémorable. Tardives ou non, ces mesures n’en fournirent pas moins à la Prusse un prétexte excellent pour se dire menacée. Dans une circulaire fameuse du 24 mars, M. de Bismarck dénonçait les préparatifs formidables de l’Autriche, déclarait armer maintenant à son tour, et demandait à l’Allemagne, à une Allemagne régénérée par une constitution nouvelle et conforme à la réalité des choses, aide et assistance contre l’agresseur. Les états secondaires répondirent en engageant la Prusse à porter son différend devant la diète, ainsi que le prescrivait l’article 11 du pacte fédéral; personne en effet ne pouvait être dupe des cris de détresse qu’on poussait à Berlin. « Pour que les plaintes de la Prusse fussent fondées, disait M. de Mensdorf dans un document remarquable, il faudrait que l’Europe eût vécu dans un rêve profond pendant les derniers mois, qu’il ne fût pas vrai que le gouvernement de Berlin eût envoyé des dépêches menaçantes, tenu des conseils de guerre, parlé de l’annexion des duchés de gré ou de force, négocié avec le cabinet de Florence, — que tout cela ne fût pas vrai, que tout cela ne fût qu’une vaine illusion des sens, et que la seule chose réelle fût ces masses armées autrichiennes qui se sont avancées, dit-on, depuis le 13 mars (c’est le cabinet prussien lui-même qui donne cette date) en Bohême ! Les choses se sont passées autrement et à la vue de tous... » — « Rien n’est plus éloigné des intentions de S. M. l’empereur, disait une note autrichienne du 31 mars, qu’une attitude offensive contre la Prusse. » — « Rien n’est plus éloigné des intentions de S. M. le roi, répondit une note prussienne du 5 avril, qu’une attitude offensive contre l’Autriche. » C’était le 5 avril que le gouvernement de Prusse faisait cette déclaration solennelle à Vienne; trois jours plus tard, le 8 avril, il signait une alliance offensive et défensive avec l’Italie contre l’Autriche!...

Depuis longtemps, depuis le mois d’octobre 1865, le gouvernement italien était demeuré dans l’attente fiévreuse, des événemens futurs. Il connaissait l’échange d’idées qui avait eu lieu à Biarritz : au-delà des Alpes, on prétend même que c’est de Paris qu’était venu alors le conseil à Florence de ne pas procéder à un désarme-