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partial sur le passé le plus récent. « Si le gouvernement du roi considère les affaires de l’Allemagne, il sera frappé du fait que, loin de vouloir former une coalition contre la Prusse, nous avons fait passer positivement nos relations avec les états secondaires après l’alliance avec la Prusse, nous leur avons même porté un préjudice des plus sérieux... » Il va sans dire que le ministre de Guillaume Ier considéra la réponse de M. de Mensdorf comme un refus à ses justes demandes; il déclara immédiatement au comte Karolyi que les relations de la Prusse avec l’Autriche cessaient d’être cordiales, et qu’il s’abstiendrai! désormais de toute communication avec le gouvernement de Vienne au sujet des duchés. Il jugea également opportun de s’abstenir de toute communication avec son propre pays et sa représentation légale. La session des chambres prussiennes, à peine ouverte le 15 janvier, fut brusquement close le 22 février.

Tout ce mois de février et la première moitié du mois de mars se passèrent dans le silence, dans les préparatifs et dans des allées et venues mystérieuses. Un jour (23 février), c’était l’hospodar des principautés qui tombait à Bucharest victime d’une conspiration nocturne dont le consul de Prusse avait le fil dans les mains; grâce au même consul et à la volonté nationale le prince Couza ne tarda pas à être remplacé par un prince Hohenzollern. Un autre jour, le 28 février, c’était M. de Goltz qui arrivait en toute hâte de Paris à Berlin pour prendre part à un grand conseil, auquel assistèrent le roi, les princes du sang, les ministres et plusieurs généraux. Le 10 mars, les journaux apportaient la nouvelle qu’un général italien, M. Govone, était en route pour Berlin, avec la mission scientifique « d’étudier le système des fortifications prussiennes. » Le lendemain 11 mars, un édit royal déclarait passible des peines les plus sévères toute personne qui par ses actes ou par ses paroles porterait atteinte aux droits souverains de la Prusse et de l’Autriche dans les duchés-unis ou dans l’un de ces duchés[1]. C’était faire acte d’intervention directe dans l’administration du Holstein, y sommer le gouverneur autrichien à la soumission ou à la retraite. Au reçu de cette ordonnance, le cabinet de Vienne chargea le comte Karolyi de demander (16 mars) au président du conseil de Berlin « si la Prusse avait l’intention de rompre violemment la convention de Gastein? — Non, répondit M. de Bismarck; mais si j’avais cette intention, vous répondrais-je autrement?... »

En présence d’une réponse si équivoque et d’une situation qui

  1. Le général Gablenz ainsi que les magistrats de Holstein avaient refusé le mois précédent de livrer à la Prusse le journaliste May, en déclarant que le gouvernement de Berlin pouvait poursuivre l’écrivain devant les tribunaux du pays.