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personne ne saurait disconvenir que la déduction à faire sur un effet quelconque se mesure sur le temps qui reste à courir pour que le paiement arrive à échéance et sur le taux de l’escompte qu’il faut solder sur la place où l’on en doit toucher le montant. Plus cette déduction est élevée, et plus le détenteur du titre se trouve engagé à ne pas devancer l’époque du remboursement et même à l’ajourner, plus aussi ceux qui possèdent des fonds libres sont invités à les faire servir à ce genre d’emploi. La fixation du taux de l’escompte exerce une action souveraine sur les mouvemens du capital disponible et sur le cours du change. Réciproquement le cours du change sert de moniteur pour indiquer quelles sont les mesures à prendre relativement au taux de l’escompte, pour exercer une action décisive sur le courant des capitaux libres et sur la position du marché monétaire. Le change est une vendition d’argent livrable sur une place déterminée. La qualité de la monnaie qui résout ce contrat influera donc sur le cours du change autant et souvent beaucoup plus que le taux de l’escompte. La dépréciation de l’agent de la circulation dans le pays débiteur se traduit immédiatement sur la cote de la bourse, ou sur la cote du Royal Exchange, comme le disent les Anglais. On paie d’autant moins le billet que la monnaie dont il stipule le paiement vaut moins. S’il ne s’agit que d’une position de place, la différence peut être promptement effacée ou déplacée ; il en est tout autrement s’il s’agit de l’altération intrinsèque de l’agent de la circulation, soit qu’elle provienne d’une dégradation du titre, soit qu’elle dérive de la substitution de la monnaie de papier au numéraire métallique. Le cours du change, révélateur inexorable de la fraude et dénonciateur de l’acte arbitraire, remet les choses sur le pied véritable, il fournit immédiatement une preuve décisive pour constater une fois de plus l’impuissance de la force.

En dehors de ces variations monétaires, il existe aujourd’hui une cause de légère complication dans le calcul. Celle-ci ne présente qu’un obstacle facile à surmonter, et ne trouble point le cours régulier des transactions. Entre deux pays dont l’un a pour agent légal de la circulation l’or et l’autre l’argent, la valeur respective de ces deux métaux précieux et les variations qu’elle subit agiront nécessairement sur le cours du change ; mais elles ne peuvent l’affecter que dans une proportion restreinte. Une solidarité intime, qui provient de la similitude des fonctions, relie en effet d’une manière intime le prix de l’or et le prix de l’argent, envisagés comme marchandises. Ils peuvent être, et ils sont chaque jour, soit dans les mêmes états, soit dans des états différens, aptes à revêtir le caractère légal d’instrument libératoire ; cela suffit pour entretenir entre eux un certain équilibre, et pour diminuer les