Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 77.djvu/413

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la sécurité est moins grande, ou que le besoin d’obtenir des fonds disponibles augmente. — La valeur et la notoriété personnelle de l’homme, le crédit du pays, jouent ici un grand rôle ; c’est la solidité de l’Angleterre, la connaissance des noms de ses négocians et de ses banquiers, que des relations suivies ont portés dans toutes les régions du monde, qui a fait de Londres le marché de compensation de l’univers entier. La cote des effets à longue échéance varie suivant la puissance des maisons de commerce ; le taux auquel celles-ci peuvent négocier leur papier est la mesure du crédit qu’elles possèdent et la représentation du risque que, suivant l’opinion générale, elles font courir. Il en est de même des nations ; il est des momens où celles qui commandaient le mieux la confiance tombent en discrédit. Nous l’avons constaté, il y a deux ans, lors de la grande crise financière qui secoua si rudement le marché de la Grande-Bretagne. Tout le monde voulait être payé, même au prix d’un rude sacrifice ; comme on voit assiéger les portes d’une banque, lorsque la foule inquiète se précipite pour demander le remboursement des billets, de même une espèce de course vertigineuse entraînait les porteurs des engagemens souscrits au-delà du détroit, et amenait ce run upon England dont sir Stafford Northcote traçait à la chambre des communes le saisissant tableau. Quand un pareil ébranlement se produit, il devient difficile de vendre les effets qui doivent être payés dans un pays où l’on se défie de tout le monde. La confiance qui abandonne l’accepteur se concentre sur le tireur de la lettre de change. Le but du contrat est toujours le même, la remise d’une somme d’argent ; les tempêtes dont le marché monétaire de l’état qui doit effectuer le paiement se trouve assailli agissent donc sur le cours des effets dont il se constitue débiteur. Les engagemens excessifs et la dépréciation de l’agent de la circulation aboutissent à un résultat équivalent.

La répartition des métaux précieux entre les diverses régions du monde s’accomplit sous l’influence du change, qui reflète le résultat de tous les engagemens traduits en langage monétaire, non-seulement des engagemens du commerce, mais de l’ensemble des stipulations quelconques. Il est le grand niveleur qui entretient l’égalité des transactions ; il compense les différences temporaires. Le pouvoir d’acquisition que possède la monnaie ne dépend d’aucun arrangement arbitraire[1], et la distribution du médium de la circulation, qui sert en même temps de mesure des prix, d’évaluateur commun, se détermine par l’action libre du commerce. « Les métaux précieux, dit Ricardo, obéissent à l’impulsion de la concurrence

  1. Laing, the Theory of business, p. 120.