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produits et de tous les services, fractions infinies de la valeur qui se trouvent ramenées à un commun dénominateur dès qu’elles sont traduites en langue métallique, mais encore elle constitue un moyen de libération obligatoire. Grâce à la monnaie, toutes les transactions reçoivent un sens précis ; la bonne foi et la justice y président. La question de savoir ce que vaut tel produit ou tel service dans telle ou telle contrée se résout toujours dans la quotité de monnaie qu’on peut recevoir en échange, et il n’en saurait être autrement, puisque le prix est simplement la valeur des choses exprimée en monnaie. Il suffit de ne point perdre de vue cette définition élémentaire pour se préserver de beaucoup d’erreurs journellement commises en cette grave matière. Rien n’est donc plus essentiel pour la sécurité et pour la sincérité des relations que de maintenir une monnaie fidèle, droite de poids et de titre. Le change assure ce grand résultat en même temps qu’il accomplit au meilleur compte la liquidation de tous les engagemens internationaux, les ajustant en quelque sorte réciproquement, pour éviter les frais, les risques et les pertes d’envoi du numéraire.

Ce simple échange de dettes et ce transfert de créances est sujet à des fluctuations continues, moins régulières, mais tout aussi vivantes que le mouvement de la mer. Tous les créanciers à titre quelconque constituent comme un groupe qui se met en contact avec un autre groupe formé de débiteurs qui ont des dettes à liquider. On pourrait admettre par la pensée que tout se trouvera éteint par une compensation mutuelle, sans qu’on mette en mouvement une pièce de numéraire, et cependant la monnaie, quoique absente matériellement, sera toujours virtuellement présente comme mesure des valeurs, comme régulateur suprême du marché, comme sens intime des contrats. Les variations du change n’ont qu’un résultat, celui de maintenir partout cette identité monétaire qu’on essaiera vainement de réaliser d’une manière absolue par des voies matérielles. Elles servent de frein aux émissions des billets de banque, faisant office de monnaie, et aux fraudes arbitraires de la monnaie de papier. Comme l’a si profondément compris Montesquieu, le change, en soumettant sans, cesse les conventions à une pierre de touche infaillible et en disciplinant les intérêts, exerce une influence heureuse au double point de vue de la politique et de la morale.

Quand le change porte sur des effets à vue, formulés en monnaie identique, le cours de ceux-ci flotte entre les deux points extrêmes, que marquent en hausse comme en baisse les charges du transport des espèces. Il touche rarement ces limites, car on prend des mesures et on lie des opérations pour prévenir de pareils écarts de