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Lorsqu’au contraire les épargnes d’un pays sont considérables et que les bénéfices vont croissant, les habitans achètent des titres étrangers de toute nature ; ces titres permettent ensuite, par le revenu qu’ils procurent, d’accroître les importations des produits. L’entraînement de la spéculation dirigée de ce côté n’est pas exempt de périls pour le capital national, la France ne l’a que trop éprouvé dans ces dernières années, La situation monétaire peut se trouver menacée aussi bien par des placemens exagérés que par des achats trop considérables, mais il est nécessaire d’ajouter que les fonds publics et les autres valeurs cotées sur le marché sont d’un maniement plus facile que les autres marchandises ; ils n’exigent presque aucuns frais de transport ou de retour, et n’ont pas besoin, comme les matières premières, d’être transformées par le travail des usines pour circuler de contrée en contrée. On envoie aujourd’hui dans une lettre les fabriques, les chemins de fer, divisés en parts d’intérêts ; ces instrumens divers servent à transporter les capitaux d’un pays à un autre sans que l’on puisse apprécier autrement que par les révélations du change l’influence que ce mouvement rapide exerce sur le marché. Faisons remarquer un placement signalé par M. Léon Say ; les titres d’emprunts et les valeurs de toute nature ont une tendance marquée à revenir au pays d’origine. Le motif en paraît simple ; la situation des choses y est mieux connue et plus sainement appréciée, on y mesure d’une manière plus exacte l’étendue du risque affronté. La valeur vénale s’accroît quand l’inquiétude, naturelle à. ceux qui font des placemens au dehors, se trouve éliminée par l’examen local, et le titre revient vers le marché d’émission, parce qu’il y atteint le plus haut prix.

Le prêt effectué au dehors fournit dans le titre émis un article d’importation ; le remboursement du capital, renvoyé à une époque lointaine, n’influe guère sur la balance actuelle des engagemens nationaux. Il en est autrement du paiement des arrérages, comme aussi des dividendes d’actions, et des intérêts des obligations. Les coupons encaissés d’une manière constante et régulière augmentent la somme exigible à la charge du pays qui a exporté les titres ; c’est une dépense qu’il lui faut couvrir chaque année. Un pays riche, qui a réalisé de nombreux placemens à l’étranger, peut, jusqu’à concurrence des revenus ainsi acquis, couvrir un excédant équivalent des importations sur les exportations. Telle est, nous l’avons mentionné, la condition de l’Angleterre. Depuis un quart de siècle, il n’est pas d’années où la différence entre, les importations et les exportations ne se balance dans ce grand état par un chiffre qui varie de 600 millions de francs à 1 milliard et demi au profit des importations. Cette différence est de plus en plus