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soudain arrivait une nouvelle désastreuse. L’Autriche et la Prusse venaient de faire leur paix à Gastein (14 août 1865).

La guerre fut en effet conjurée cette année par une de ces transactions équivoques qui ne sont que les ajournemens d’un destin inéluctable. La cour de Berlin avait bien choisi le moment pour donner l’assaut à la conscience et à l’honneur du petit-fils de Marie-Thérèse, le moment d’une crise intérieure des plus graves pour la monarchie de Habsbourg, alors qu’après avoir congédié M. de Schmerling et son malheureux système de centralisation parlementaire François-Joseph venait de faire le premier pas vers une réconciliation avec la Hongrie et les autres nationalités de l’empire. Du reste si, pendant toute cette étrange expédition de Carlsbad et de Gastein, M. de Bismarck avait hautement invoqué « le fer et le sang, » et par une indiscrétion calculée donné beaucoup de retentissement à ses ouvertures envers la Bavière et l’Italie, le roi, son auguste et vieux maître, avait tenu un langage différent et plus approprié à la position d’un Hohenzollern. A Gastein, comme plus tard à Salzbourg, Guillaume Ier ne parla que « de la révolution, de la nécessité pour les deux puissances de lutter contre cet ennemi commun et de se mettre d’accord sur le plan de combat[1]… » Ainsi surpris pendant une épreuve formidable pour ses états, alarmé d’un côté par les menées révolutionnaires du ministre prussien et leurré de l’autre par la profession de foi très conservatrice du roi Guillaume, l’empereur d’Autriche finit par se soumettre, et souscrit à cet arrangement du 14 août qui cédait à la Prusse le petit duché de Lauenbourg contre la somme de 2,500,000 thalers danois. De plus, et afin d’éviter autant que possible les froissemens d’une administration collective dans les pays de l’Elbe, il fut décidé que la Prusse administrerait désormais seule dans le Slesvig, l’Autriche seule aussi dans le Holstein. le tout sans préjudice pour le droit de possession de chacune des puissances sur l’ensemble des deux provinces. Pour n’accorder ainsi qu’un léger à-compte à la Prusse, cette convention de Gastein n’en était pas moins d’une très grande portée. Les deux puissances prenaient encore une fois des arrangemens au sujet des duchés sans consulter le Bund, sans même faire mention de ses droits, et cette omission semblait consacrer tacitement la théorie de M. de Bismarck sur la conquête, la fameuse décision des syndics de la couronne ; enfin la vente formelle du Lauenbourg laissait entrevoir le sort réservé dans un avenir bien prochain au Holstein et au Slesvig. Ce bel arrangement fut couronné aussitôt par une entrevue péronnelle entre les deux souverains à Salzbourg, où l’on épuisa les

  1. Dépêche de M. de Bismarck au baron Werther, 26 janvier 1866.